Trois groupes de gauche de l'Assemblée nationale française ont déposé une motion de censure commune contre le gouvernement sur l'affaire Benalla, ex-collaborateur de la présidence de la République accusé de violences.

La motion des groupes Nouvelle Gauche (socialiste), GDR (communistes) et La France insoumise (LFI, gauche radicale) sera défendue dans l'hémicycle mardi, ont annoncé des députés à l'AFP vendredi.

«On s'est mis d'accord, on a un texte commun (...) écrit à six mains avec nos trois groupes», a déclaré devant la presse la présidente du goupe PS Valérie Rabault, entourée de Stéphane Peu (communiste) et d'Éric Coquerel (LFI).

Le texte des trois groupes de gauche fera l'objet d'un débat commun avec une autre motion de censure, déposée par le groupe Les Républicains (opposition de droite). Mais il y aura deux explications de vote et deux votes.

Les Insoumis avaient été les premiers, il y a huit jours, à proposer le dépôt d'une motion de censure, eux-mêmes ne pouvant la déposer seuls, puisqu'ils ne sont que 17 et que le dépôt d'une motion requiert 58 signatures.

L'affaire Benalla a ouvert une crise politique en France, après que le quotidien Le Monde eut révélé le 18 juillet qu'un mystérieux jeune barbu, couvert d'un casque à visière de policier, qui avait molesté deux manifestants le 1er mai, n'était autre qu'un collaborateur, qui plus est «proche», du président Macron. Le 2 mai, Benalla avait été simplement suspendu quinze jours, sans que la justice soit informée, contrairement à une obligation stipulée par la loi.

Le gouvernement espère une trève estivale 

Pris depuis dix jours dans la tourmente du «Benallagate», du nom de l'ancien collaborateur du président Emmanuel Macron accusé de violences, le gouvernement espère que la traditionnelle torpeur estivale qui saisit la France chaque année lui offrira une accalmie.

Des centaines de kilomètres de bouchons, des gares et des trains bondés et Paris qui se vide de ses habitants : la grande transhumance vers les vacances et les plages, qui saisit la France chaque mois d'août, débute ce week-end.

Hasard du calendrier, cette plongée dans la torpeur estivale coïncide avec la première journée, ce vendredi, où «l'affaire Benalla» ne fait pas la Une des journaux, plus intéressés semble-t-il par lister les moyens de lutter contre la canicule.

Profiter de ce calme, c'est ce qu'espère la majorité présidentielle. «Macron veut prendre de la hauteur», titre Le Monde en référence aux déclarations de M. Macron, jeudi lors d'un déplacement dans les Pyrénées puis en Espagne, où il a tenté de minimiser l'affaire en dénonçant une «tempête dans un verre d'eau».

Le chef de l'État, qui s'était dans un premier temps muré dans le silence, avait expliqué pendant deux jours «assumer» la faute de son ex-collaborateur. Mais, faute d'éteindre l'incendie, il a semblé vouloir sonner la fin des polémiques, lâchant sèchement : «J'ai dit ce que j'avais à dire».

Ses troupes ont soutenu la même stratégie. «Je pense qu'il faut se remettre au travail», a déclaré vendredi un secrétaire d'État, Julien Denormandie. Dès mercredi, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, disait que «toutes les leçons» seraient tirées de cette affaire, mais «à la rentrée».

Il est vrai que les «Marcheurs», du nom des soutiens du président, pourraient bien avoir besoin de souffler, après une semaine et demie de tempête politico-judiciaire.

Le mercredi 18 juillet, le quotidien Le Monde révélait qu'un mystérieux jeune barbu, couvert d'un casque à visière de policier, qui avait molesté deux manifestants le 1er mai, n'était autre qu'un collaborateur, qui plus est «proche», du président Macron.

Depuis, «l'actualité est phagocytée par l'affaire Benalla, tant celle-ci déchaîne les passions. Pas un jour ne passe sans son lot de nouvelles révélations, événements ou réactions», souligne le quotidien Le Figaro.

Et celui qui continue d'alimenter le feuilleton est le premier intéressé. Dans une interview enregistrée pour la chaîne privée TF1 diffusée vendredi soir il réaffirme n'avoir pas «porté» de coup lors de son intervention contre des manifestants le 1er mai à Paris.

«Il y a des gestes qui sont vigoureux, qui sont rapides, mais il n'y a aucun coup porté», déclare-t-il, alors même qu'une série de vidéos le montre frappant et malmenant des manifestants.

«Dérive individuelle»

Dès le lendemain des révélations du Monde, la justice a ouvert une enquête, alors que peu après les faits, le 2 mai, Benalla avait été simplement suspendu quinze jours, sans que la justice soit informée, contrairement à une obligation stipulée par la loi.

L'opposition de droite et de gauche y voit dès lors une «dissimulation» et donc un «scandale d'Etat» et une enquête parlementaire est lancée.

Le 20, le licenciement de Benalla est décidé et, le 22, il est inculpé. L'Assemblée étant paralysée par la bronca, le gouvernement est contraint de suspendre l'examen de sa réforme constitutionnelle, pourtant très chère à M. Macron.

Les auditions devant les commissions d'enquête parlementaire se succèdent devant les caméras, dopant les audiences des chaînes d'information. Le 23, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb se défausse sur l'Elysée, disant qu'il revenait à la présidence, et non à lui, de décider de saisir la justice.

L'affaire Benalla est le résultat d'«une dérive individuelle» et non «une affaire d'Etat», souligne le Premier ministre Édouard Philippe à l'Assemblée, le 24, montant au créneau tandis que le président est toujours muet.

Mais cela ne réussit pas à calmer le feu nourri de critiques et Les Républicains (opposition de droite) annoncent le dépôt d'une motion de censure, qui sera suivie d'une seconde soutenue par la gauche.

Elles n'ont aucune chance d'être approuvées et donc de faire tomber le gouvernement, mais elles provoqueront un nouveau débat sans doute houleux, la semaine prochaine, douchant ainsi les espoirs d'apaisement du gouvernement.

L'opposition y voit le moyen de se redresser, ce qu'elle avait jusqu'alors peiné à faire après le KO que lui a infligé le triomphe électoral des «Marcheurs» l'an dernier.

Dès jeudi soir, la commission d'enquête de l'Assemblée sur l'affaire Benalla a ainsi implosé, les députés de droite et de gauche claquant la porte de cette «parodie», selon le mot du corapporteur de droite, qui se demande si l'Elysée ne cherche pas à «torpiller» l'enquête parlementaire.