Bruxelles a appelé jeudi les pays de l'UE à « intensifier » leur préparation à tous les scénarios possibles pour le Brexit, dont celui d'une « rupture brutale » avec Londres, de plus en plus redoutée face aux incessantes turbulences politiques fragilisant le gouvernement britannique.

Londres et Bruxelles sont censés parvenir à un accord d'ici à octobre pour organiser leur divorce et jeter les bases de leur relation future. Mais les Européens s'inquiètent de l'enlisement des négociations et des remises en cause constantes au Royaume-Uni de la stratégie de la première ministre Theresa May.

Quel que soit le résultat des tractations, le Brexit « aura des répercussions sur les citoyens, les entreprises et les administrations, tant au Royaume-Uni que dans l'UE », a prévenu la Commission européenne dans un document publié jeudi.

Elle invite donc « les États membres et les acteurs privés à intensifier leurs préparatifs » en anticipant tous les scénarios possibles, y compris celui qualifié de « rupture brutale », c'est-à-dire sans accord de retrait ratifié avant le 30 mars 2019, la date prévue du départ britannique.

Dans ce cas de figure, les préparatifs sont d'autant plus nécessaires qu'« il n'y aura pas de période de transition » pour atténuer les effets du Brexit, souligne la Commission. Alors qu'un accord de retrait permettrait une transition jusqu'à fin 2020, avec des répercussions moins immédiates.

Londres aussi se prépare

Le gouvernement britannique lui aussi se prépare à tous les scénarios, a réagi à travers une porte-parole de la première ministre britannique Theresa May. « Nous avons toujours dit qu'en tant que gouvernement responsable, il est souhaitable de se préparer à un "no deal" et c'est ce que nous faisons », a-t-elle dit.

« Nous avons toujours dit que ce n'est pas quelque chose que nous voulons ou espérons, et les progrès des pourparlers jusqu'à présent suggèrent que ce n'est pas là où nous allons finir », a-t-elle ajouté.

Mais à Bruxelles et parmi les 27, l'inquiétude grandit face à la perspective d'une absence d'accord.

Les tractations ont connu des avancées décisives sur la question des droits des citoyens expatriés ou encore sur le « règlement financier » du divorce, mais elle achoppe toujours sur le sort de la frontière qui va séparer l'Irlande, entre le Nord, une province qui appartient au Royaume-Uni, et le Sud, indépendant, qui restera dans l'UE.

La crainte d'un échec est accentuée par la contestation incessante au Royaume-Uni de la stratégie de Theresa May, qui a échappé mardi à une défaite au Parlement, avec le rejet de justesse d'un amendement contraire à ses objectifs pour la relation future avec l'UE, récemment formalisée dans un « Livre blanc ».

Mme May a aussi dû faire face aux récentes démissions de son ministre des Affaires étrangères Boris Johnson et de celui chargé du Brexit, David Davis, dont le successeur, Dominic Raab, est attendu jeudi à Bruxelles pour y rencontrer le négociateur en chef du Brexit pour l'UE, le Français Michel Barnier.

Situation « très volatile »

Boris Johnson, vu comme un candidat possible pour succéder à Mme May, lui a encore reproché mercredi d'avoir dévié vers un « Brexit qui n'en a que le nom » et lui a demandé de « changer de tactique » pour une rupture plus nette avec l'UE.

« La situation à Londres est très volatile », a jugé jeudi un responsable européen, estimant qu'il fallait « être prudent » côté européen et « ne pas jeter d'huile sur le feu ». Mais les remises en cause de la stratégie de Mme May « sont un élément de complication » indéniable pour les négociations, a-t-il admis.

« Dans tous les cas, nous allons nous préparer pour qu'il n'y ait pas d'effondrement » en cas d'absence d'accord, a-t-il ajouté.

« Faudra-t-il des visas pour aller de Bruxelles à Londres? Comment les avions continueront de voler entre l'UE et le Royaume-Uni si les règles actuelles ne s'appliquent plus d'un coup? Il faut préparer tout ça », a-t-il fait valoir.

Dans le document publié jeudi, la Commission européenne cite notamment la nécessité d'anticiper les conséquences du Brexit pour les contrôles aux frontières de l'UE, pour les échanges commerciaux, la reconnaissance des qualifications professionnelles de part et d'autre, ou encore les échanges de données entre les deux entités.