Le nouveau chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez recevait lundi le président indépendantiste catalan Quim Torra pour une première réunion au sommet destinée à apaiser les tensions, après la tentative de sécession d'octobre 2017, mais qui risque de tourner au dialogue de sourds.

Cette rencontre, la première depuis plus de deux ans entre un chef de gouvernement espagnol et un président régional catalan, a débuté vers 9h30 GMT (5h30 à Montréal) au palais de la Moncloa, le siège du gouvernement, par une poignée de mains entre les deux hommes.

Aucune conférence de presse commune n'est prévue, mais le numéro deux du gouvernement, Mme Carmen Calvo, s'exprimera devant la presse au siège du gouvernement à l'issue de la réunion tandis que Quim Torra parlera à la représentation madrilène du gouvernement catalan.

Arrivé au pouvoir le 1er juin grâce notamment aux voix des indépendantistes catalans, lors du vote d'une motion de censure contre le conservateur Mariano Rajoy, Pedro Sanchez a tout de suite promis d'apaiser les tensions avec la Catalogne. Deux semaines auparavant, il avait qualifié Quim Torra de «Le Pen de la politique espagnole».

Passant de la parole aux actes, le gouvernement a transféré mercredi dans des prisons en Catalogne six des neuf dirigeants indépendantistes incarcérés près de Madrid pour leur rôle dans la tentative de sécession.

Mais les positions de Madrid et de l'exécutif catalan sont si opposées sur la question de l'autodétermination de cette riche région du nord-est de l'Espagne que la réunion risque de n'apporter aucune avancée concrète.

Investi mi-mai à la tête de la Generalitat, Quim Torra, membre de l'aile dure du mouvement séparatiste, a annoncé qu'il soulèverait à la Moncloa la question d'un référendum d'autodétermination.

Non au référendum

Mais plusieurs membres du gouvernement ont déjà répondu «non» à cette requête, comme Carmen Calvo.

«L'indépendance d'un territoire n'est pas prévue dans la Constitution. Et aucun gouvernement constitutionnel de l'Espagne ne l'envisage», a-t-elle expliqué dimanche dans le journal El Mundo, soulignant que «jamais la Catalogne n'a disposé du niveau d'autonomie et de décentralisation actuel».

«Notre proposition pour régler (le problème) est un référendum d'autodétermination. S'ils ont une meilleure idée, ils doivent nous l'expliquer», a rétorqué à l'AFP un haut responsable du gouvernement catalan.

La ministre de la Politique territoriale Meritxell Batet avait prôné début juin une révision de la Constitution afin d'aller vers une structure fédérale. Mais avec 84 députés sur 350, les socialistes n'ont aucune chance de la voir aboutir.

«Il n'y a pas de majorité en Espagne pour faire une révision de la Constitution. La droite peut la bloquer», note Fernando Vallespín, professeur de sciences politiques à l'Université autonome de Madrid.

La Catalogne a été l'automne dernier le théâtre de la plus grave crise politique qu'ait connue l'Espagne depuis son retour à la démocratie quand le gouvernement régional de Carles Puigdemont a organisé un référendum illégal d'autodétermination le 1er octobre, marqué par des violences policières, avant que le parlement catalan ne déclare unilatéralement l'indépendance le 27 octobre.

En réponse, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy avait - avec l'appui de Pedro Sanchez alors dans l'opposition - destitué l'exécutif régional, dissout le parlement catalan et convoqué de nouvelles élections régionales.

Un scrutin remporté le 21 décembre par les indépendantistes, dont les principaux dirigeants ont été emprisonnés ou ont fui à l'étranger comme Carles Puigdemont qui attend en Allemagne la décision de la justice sur la demande d'extradition de l'Espagne.

Long chemin

Disposant toujours de la majorité gouvernementale au parlement catalan, les indépendantistes sont tiraillés entre les partisans de la modération et les plus radicaux, comme Carles Puigdemont, qui considèreraient comme une trahison toute concession à Madrid.

Sous l'influence de ces derniers, une motion de la gauche radicale réaffirmant la volonté de parvenir à une république indépendante a été approuvée jeudi au parlement régional. Le gouvernement espagnol a annoncé vouloir la faire annuler par la Cour constitutionnelle.

La reprise du dialogue promet donc d'être longue et Quim Torra a d'ailleurs déjà proposé à Pedro Sanchez une deuxième rencontre en septembre, à Barcelone cette fois.