Le gouvernement britannique était en pleine crise lundi après la démission fracassante du ministre du Brexit David Davis, qui affaiblit un peu plus la première ministre Theresa May engluée dans les divisions de sa majorité sur l'avenir du Royaume-Uni hors de l'UE.

Downing Street a annoncé dans la matinée que Dominic Raab, secrétaire d'État au Logement, allait remplacer M. Davis qui a claqué la porte dimanche soir à moins de neuf mois du Brexit.

Ce député eurosceptique de 44 ans aura la lourde tâche de représenter le Royaume-Uni dans les négociations sur la sortie de l'UE et de ferrailler avec des dirigeants européens, passablement lassés par les atermoiements de l'exécutif britannique sur les orientations à donner au Brexit.

La Commission européenne a affirmé lundi que cette démission ne constituait pas pour elle un problème pour les négociations. « Nous continuerons à négocier de bonne volonté avec la première ministre May et les négociateurs britanniques », a déclaré son porte-parole Margaritis Schinas.

La démission de David Davis est intervenue deux jours après une réunion de Mme May avec ses ministres qui avait abouti à l'annonce d'un accord sur la volonté de maintenir une relation commerciale étroite avec l'UE.

Dans sa lettre de démission, il estime que cette voie ne permettrait pas d'aboutir au résultat pour lequel les Britanniques ont voté. « Au mieux, nous serons dans une position de faiblesse pour négocier » avec Bruxelles, a estimé ce vieux routier de la politique britannique.

Lundi sur la BBC, il a estimé que Theresa May survivrait à son départ, affirmant qu'il n'avait pas l'intention, à ce stade, de disputer son leadership.

Ce départ, qui a été suivi par celui du secrétaire d'État au Brexit Steve Baker, met cependant « Mme May en position de vulnérabilité alors que d'autres ministres pro-Brexit se demandent s'il faut lui emboîter le pas et tenter de la faire tomber », a souligné le journaliste Jack Blanchard, du site Politico.

M. Davis avait été nommé en juillet 2016 pour prendre la tête du ministère créé au lendemain du vote des Britanniques pour quitter l'UE en sa qualité notamment d'eurosceptique convaincu. Mais les divergences avec Mme May étaient flagrantes ces derniers mois et la rumeur de sa démission courait régulièrement bien qu'il se soit toujours montré loyal en public envers la dirigeante.

Gouvernement en plein « chaos »

Réagissant à cette démission, le leader de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn a estimé qu'elle mettait en danger les négociations avec Bruxelles sur la sortie de l'UE, prévue le 29 mars 2019.

« Le départ de David Davis à un moment aussi crucial montre que Theresa May n'a plus d'autorité et est incapable de mettre en oeuvre le Brexit », a-t-il déclaré sur Twitter, décrivant un gouvernement en plein « chaos » alors qu'il vient à peine de présenter son plan pour l'après-Brexit.

Ce plan, dévoilé vendredi soir, prévoit de mettre en place une zone de libre-échange et un nouveau modèle douanier avec les 27, afin de maintenir un commerce « sans friction » avec le continent.

Avant de les présenter à Bruxelles, Mme May doit les détailler lundi aux députés britanniques ainsi qu'à son Parti conservateur.

Elle doit notamment leur dire que son projet est « le bon Brexit », « le Brexit qui est dans l'intérêt national ». Mais la réunion s'annonce désormais houleuse, avec des députés conservateurs favorables à une rupture nette avec Bruxelles en embuscade.

Le député conservateur europhobe Jacob Rees-Mogg a ainsi dénoncé le « défaitisme » du gouvernement, affirmant qu'il voterait contre son plan et qu'il ne serait pas le seul, dans le Daily Telegraph.

Les milieux économiques et financiers ont dans l'ensemble plutôt bien accueilli le plan de Mme May, y voyant une légère inflexion en direction du « Brexit doux » qu'ils appellent de leurs voeux.

Les marchés britanniques étaient d'ailleurs plutôt bien orientés lundi matin. Boussole de l'humeur des investisseurs vis-à-vis de l'économie britannique, la livre sterling gagnait un peu de terrain face à l'euro et au dollar.

Les milieux d'affaires restaient néanmoins prudents après la démission de M. Davis, espérant que le gouvernement britannique allait éviter d'autres départs qui pourraient le déstabiliser davantage. Ils déploraient en outre le manque de détail sur la question des échanges de services avec l'UE, qui représente la majeure part du commerce britannique.