De nouveaux incidents ont éclaté dans la nuit de vendredi à samedi à Nantes, dans l'ouest de la France, pour la quatrième nuit consécutive, peu après l'inculpation du policier qui a tué un jeune homme mardi lors d'un contrôle de police.

Vers 1 h du matin samedi (19 h, heure de l'Est vendredi), sept véhicules avaient été incendiés à Orvault et Rezé, dans la banlieue de Nantes, et dans les quartiers nantais du Breil et de Bellevue.

Les forces de l'ordre ont essuyé des jets de cocktails Molotov au Breil et à Bellevue et ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes. Un début d'incendie a touché un bâtiment du bailleur social Nantes Habitat dans le quartier du Breil.

Juste avant ces nouvelles violences, le policier auteur du tir a été inculpé pour «coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner», a indiqué son avocat Laurent-Franck Lienard à l'AFP. Il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire.

Ce policier avait admis auparavant avoir tiré «par accident» et non en légitime défense.

Il avait auparavant déclaré «avoir tiré en raison de la dangerosité du conducteur et pour protéger les personnes qui pouvaient se trouver à proximité sur la trajectoire du véhicule», selon le procureur de Nantes, Pierre Sennès.

Depuis la mort d'Aboubakar Fofana, 22 ans, des violences urbaines ont éclaté dans les quartiers sensibles de Nantes et se répètent chaque nuit. Dénonçant une «bavure policière», les émeutiers ont détruit plusieurs bâtiments et commerces et incendié des dizaines de voitures.

Trois hommes âgés de 20 à 31 ans ont été condamnés vendredi à quatre mois de prison avec sursis pour des violences commises contre les forces de l'ordre. Ces condamnations sont les premières prononcées depuis le début des violences urbaines à Nantes.

Selon le procureur de Nantes, le déroulement des faits s'est fait en trois phases: le contrôle de police d'environ «10 à 15 minutes», où M. Fofana donne une fausse identité et où les policiers lui demandent de garer son véhicule et de les suivre au commissariat.

Puis la deuxième, où il fuit en marche arrière, manoeuvre «particulièrement dangereuse puisque dans sa course le conducteur va frôler un fonctionnaire de police» avec «à ses côtés deux enfants». Le policier va «se projeter sur le bas-côté», emporter avec lui «une fillette qui aurait pu être heurtée par le véhicule du fuyard», précise le procureur. Le conducteur percute un véhicule en stationnement.

Enfin, après ce choc, le conducteur tente de nouveau de fuir en marche arrière. C'est alors que le policier inculpé tire sur le conducteur.

Le policier a déclaré «qu'en réalité il a tenté de se pencher dans l'habitacle du véhicule pour saisir le volant et essayer d'arrêter la manoeuvre», a relaté le procureur. «C'est à ce moment-là, indique-t-il, dans le cadre de ce qu'il appelle un corps-à-corps, que le coup de feu est parti accidentellement pour toucher mortellement le conducteur».

«Justice pour Abou»

Aboubakar Fofana était sous le coup d'un mandat d'arrêt pour «vol en bande organisée, recel et association de malfaiteurs». Blessé au cou, il est décédé à l'hôpital.

Les relations entre les jeunes et la police sont notoirement tendues dans les quartiers difficiles de Nantes et l'annonce du décès d'Aboubakar Fofana a immédiatement suscité une flambée de colère et de violences.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, huit bâtiments ont été dégradés et 52 véhicules brûlés, selon des sources concordantes. Une brasserie a été détruite par le feu dans un centre commercial et plusieurs débuts d'incendie ont touché des bâtiments publics, dont deux établissements scolaires.

Quatre personnes ont été placées en garde à vue et une douzaine la nuit précédente.

Aucune violence n'a en revanche été signalée dans le quartier du Breil, où le jeune homme a été tué et où ses proches avaient appelé au calme.

Jeudi soir, une «marche blanche» a rassemblé dans le calme un millier de personnes à Nantes pour réclamer «vérité» et «justice pour Abou».

«Il faut que les troubles qui agitent la ville depuis trois jours cessent», a lancé le procureur vendredi. «Qu'ils cessent pour respecter les attentes légitimes de la famille de M. Fofana de connaître les circonstances précises entourant la mort» du jeune homme.

Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a assuré que le gouvernement ferait «tout pour apaiser la situation».