Le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a déploré lundi « une situation de crise et de blocage », à l'issue d'un entretien avec le premier ministre, Édouard Philippe, qui a cependant permis d'acter la création d'un nouveau « statut fiscal et social » pour l'île.

« On est en train de laisser passer une chance historique de régler la question corse », s'est désolé M. Simeoni après une heure trente d'entrevue avec le premier ministre, sans le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, qui avait refusé de se rendre à Matignon.

« C'est une situation de crise et de blocage », a-t-il poursuivi, « une situation qui, si elle perdure, risque de nous conduire dans l'impasse et sur un échec qui sera peut-être celui de la Corse, mais aussi celui de l'État ».

Alors que cette réunion devait clore un cycle de discussions avec le gouvernement sur l'avenir de l'île, M. Simeoni a estimé que l'exécutif n'avait « pas souhaité donner les réponses qui étaient attendues par une grande majorité de Corses ».

Dans son viseur, la « question des prisonniers politiques et notamment celle de leur rapprochement », une option rejetée par Emmanuel Macron lors de sa venue dans l'île en février.

« Le premier ministre a pris acte de certains désaccords exprimés par le président du Conseil exécutif de la collectivité de Corse. Il a réitéré la volonté du gouvernement de poursuivre le dialogue avec la collectivité », a précisé Matignon dans un communiqué publié en soirée.

Matignon précise que le chef du gouvernement a présenté à M. Simeoni l'article 16 du projet de loi constitutionnel, qui «crée un nouvel article 72-5 inscrivant la Corse dans la Constitution, en reconnaissant ses spécificités géographiques, économiques et sociales».

M. Simeoni a fustigé ce projet d'article dédié à la Corse dans la future réforme constitutionnelle, une « proposition totalement insuffisante » à ses yeux, à laquelle il aimerait substituer une option « qui a été votée » à l'Assemblée de Corse.

« Le premier ministre ne s'est pas engagé sur ce point, mais il a dit qu'il restait ouvert à la discussion, donc nous jugerons sur pièce », lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale à partir de la semaine prochaine dans l'hémicycle, a-t-il ajouté. « Nous verrons si le premier ministre et le président de la République encouragent la majorité parlementaire à faire vivre le débat », a-t-il insisté.

Par ailleurs, Edouard Philippe « a proposé à la Collectivité de Corse de travailler à la définition d'un statut fiscal adapté aux spécificités de la Corse, à la mise en oeuvre d'un plan d'accompagnement de la Corse qui prendra le relais en 2021 du programme exceptionnel d'investissements (PEI) [et] aux modalités possibles de soutien, par l'État, des politiques de la collectivité de Corse en matière notamment de déchets et d'approvisionnement énergétique », ajoute le communiqué.

M. Simeoni s'est réjoui de voir « une revendication historique », à savoir la création d'un « statut fiscal et social », « validée pour la première fois par le premier ministre ».

« Le statut fiscal permet de prendre en compte les contraintes liées à l'insularité. Ça ne veut pas dire systématiquement des exonérations ou des privilèges », a précisé M. Simeoni en évoquant « des dispositifs qui encourageront l'activité productive, qui soutiendront l'exportation, compenseront les contraintes liées à la continuité territoriale... »

« Reste à savoir s'il y aura la volonté de lui donner le contenu indispensable », a-t-il nuancé en se prévalant de « la plus grande prudence ».

« L'heure n'est plus aux réceptions à Matignon. Le premier ministre a toutes les cartes en main s'il veut répondre aux attentes et aux demandes », a conclu M. Simeoni.