La construction d'une troisième piste à l'aéroport londonien d'Heathrow, le premier d'Europe en termes de passagers, devrait être adoptée lundi par les députés britanniques, après des décennies de controverse et une démission au sein du gouvernement de Theresa May.

Le vote, prévu lundi vers 22H00 (heure locale), ne devrait réserver aucune surprise même si le projet continue de profondément diviser l'opinion, milieux économiques comme politiques, jusqu'au sein du Parti conservateur au pouvoir, avec en perspective des actions en justice des défenseurs de l'environnement.

L'exécutif a donné aux députés de la majorité la consigne de voter en faveur du projet de 14 milliards de livres (15,9 milliards d'euros), auquel il avait donné son feu vert le 5 juin après plusieurs années de débat envenimé.

Grand opposant au projet et poids lourds de l'exécutif, le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson avait promis de se coucher devant les bulldozers pour empêcher les travaux. L'élu brillera toutefois par son absence, en raison d'un déplacement à l'étranger effectué avec l'assentiment de la première ministre Theresa May.

Une absence perçue comme une tentative de se dérober par des députés de la majorité comme de l'opposition, qui ont appelé à sa démission.

La destination de M. Johnson n'a pas été dévoilée, son ministère invoquant des raisons de sécurité. Mardi, il participera à une session spéciale de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye (Pays-Bas).

« Prudemment optimiste »

Le ministre des Transports, Chris Grayling, s'est dit « prudemment optimiste » quant à l'issue du vote, sur la BBC.

« Il aura fallu 50 ans pour aboutir à ce vote historique, qui représente la plus importante décision en termes de transport de cette génération », a-t-il par ailleurs commenté dans un communiqué.

Il a affirmé que la troisième piste, dont la construction devrait être achevée d'ici à la fin 2025, serait financée par le secteur privé et permettrait la création de jusqu'à 114 000 emplois d'ici à 2030. Il a aussi assuré que l'exécutif travaillerait avec l'opérateur de l'aéroport pour que les coûts ne soient pas répercutés sur les compagnies aériennes.

Avec plus de 75 millions de voyageurs accueillis chaque année, l'aéroport d'Heathrow est le premier d'Europe en termes de trafic voyageur. Il accueille actuellement plus de 80 compagnies aériennes desservant plus de 200 destinations.

Mais avec l'extension, IAG, maison-mère de British Airways (BA) notamment, craint l'explosion des frais d'aéroport, avec pour conséquence une hausse du prix des billets qui ferait fuir les voyageurs vers d'autres aéroports. BA, très présent à Heathrow, voit par ailleurs d'un mauvais oeil l'arrivée de nouveaux concurrents sur ce hub, en particulier de groupes low cost.

Démission inutile

Les critiques dénoncent les risques de nuisances sonores et de pollution accrue dans une zone densément peuplée, à l'ouest de Londres.

Estimant ne pas pouvoir se conformer aux consignes de vote de son gouvernement, le secrétaire d'État britannique au Commerce international, Greg Hands, a démissionné jeudi.

Député de la circonscription de Chelsea et Fulham (ouest de Londres), où s'exprime une forte opposition au projet, il a raillé sur Twitter Boris Johnson pour son absence lors du vote, soulignant que lui-même était revenu dimanche de l'étranger pour ne pas manquer cet engagement.

Dans une lettre adressée à sa circonscription d'Uxbridge (ouest de Londres), le chef de la diplomatie a rejeté les critiques selon lesquelles il tente de se dérober.

« Mon opposition est claire depuis que j'ai rejoint ce gouvernement et je continuerai à faire pression sur mes collègues à l'intérieur du gouvernement », écrit-il dans ce courrier publié par le quotidien Evening Standard. « Ma démission n'aurait abouti à absolument rien », a-t-il ajouté.

Le Parti travailliste, principale formation d'opposition, est également divisé sur le projet qui s'il est approuvé, devrait encore faire face aux contestations en justice de groupes de résidents, de conseils locaux et de défenseurs de l'environnement.

« Un vote pour une nouvelle piste à Heathrow est un vote pour plus de changement climatique, plus de pollution atmosphérique et plus de bruit », a dénoncé Greenpeace.