Des mineurs enfermés séparément de leurs parents clandestins... Ce qui s'est passé aux États-Unis n'aurait pu avoir lieu en Europe de l'Ouest, mais plusieurs pays, dont la France, sont critiqués par des ONG pour pratiquer la rétention d'enfants migrants, ne pas accueillir dignement, voire «maltraiter» les mineurs isolés aux frontières.

Entre le 5 mai et le 9 juin aux États-Unis, 2342 enfants et jeunes migrants ont été séparés de leurs parents clandestins, pour la plupart originaires d'Amérique centrale.

«Nous n'avions pas vu jusqu'ici ce niveau de cruauté», a réagi auprès de l'AFP Maria Serrano, d'Amnistie Internationale. «Mais c'est le chemin que l'Europe est en train de prendre», affirme-t-elle, dénonçant «la cruauté des lois d'asile en Europe».

Dans plusieurs pays d'Europe de l'Ouest, il n'est pas possible légalement de placer en rétention un enfant sans sa famille. La rétention concerne les étrangers en situation irrégulière qui attendent leur reconduite. Les enfants sont donc enfermés avec leur famille.

La France (condamnée plusieurs fois), la Belgique, la Bulgarie notamment ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur la question de la rétention de mineurs accompagnés.

Ces derniers mois, plusieurs organisations ont dénoncé avec virulence le traitement des enfants migrants en France. Et la rétention des mineurs est l'un des points de crispation d'un projet de loi controversé sur l'asile et l'immigration actuellement débattu.

Mineurs isolés «maltraités»

Pour Violaine Husson, de l'association d'aide aux migrants La Cimade, «la France ne peut pas être donneuse de leçons», dit-elle à l'AFP. Elle s'inquiète notamment d'un amendement au projet de loi en discussion pour limiter à cinq jours la durée de rétention, estimant que «la pratique de l'enfermement des enfants s'est banalisée en France».

En France métropolitaine, «le nombre d'enfants placés en rétention a énormément augmenté: on est passé de 41 enfants placés en rétention en 2013 à 305 en 2017», dénonce-t-elle. En outre-mer, les chiffres sont plus élevés, notamment sur l'île française de Mayotte, qui compte de très nombreux clandestins comoriens.

En outre, la situation des mineurs isolés «se dégrade en France et les différents acteurs et la société civile s'épuisent face aux manquements de l'État», juge Mme Husson, estimant que des centaines de ces mineurs se retrouvent à la rue ou sont hébergés chez des bénévoles pendant de longues périodes.

Oxfam a récemment dénoncé le fait que des enfants parfois âgés de 12 ans sont «maltraités physiquement et verbalement» côté français, «détenus» puis «illégalement renvoyés en Italie».

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), autorité morale en France, s'est elle aussi dite mardi «profondément choquée» par le traitement des mineurs étrangers à la frontière franco-italienne. En matière d'accueil, elle déplore également «l'inaction de l'État pour permettre un premier accueil digne».

Le cas particulier espagnol

En Italie, qui a vu 700 000 migrants arriver sur ses côtes depuis 2013, les enfants qui arrivent (en 2017, 17 337 mineurs, selon le ministère de l'Intérieur) avec des parents proches n'en sont jamais séparés, selon la loi.

L'Italie est le premier pays en Europe à s'être doté en 2017 d'une loi spécifique pour l'accueil et la protection des mineurs isolés, selon l'ONG Save The Children, qui a participé à l'élaboration du texte.

Le gouvernement britannique indique de son côté avoir «mis fin» en 2010 à la rétention d'enfants de familles clandestines, affirmant aussi que le bien-être de l'enfant est «au coeur» du processus d'expulsion des familles. Selon Amnistie, sur les 27 819 migrants placés en rétention au Royaume-Uni en 2017, 48 étaient des enfants.

En Espagne, les migrants devant être expulsés sont envoyés dans un centre international pour étrangers (CIE), où il leur est garanti d'avoir à leurs côtés leurs enfants mineurs, indique le ministère de l'Intérieur. Différentes ONG dénoncent cependant régulièrement la saturation ou l'insalubrité de ces CIE.

«Les mineurs en général ne sont pas séparés des adultes (...) en Espagne», confirme à l'AFP Jennifer Zuppiroli, de Save The Children. Elle soulève toutefois le cas d'entrées d'«hommes adultes arrivant avec des enfants, sans documentation probante sur leur filiation», indiquant que «pour lutter contre la traite d'êtres humains (...) les mineurs peuvent être mis sous tutelle (dans des centres publics pour mineurs)».

«Cela arrive par exemple avec les migrants syriens qui accèdent par voie terrestre par Ceuta et Melilla. Souvent, les enfants arrivent d'abord (...). Le temps que les parents apportent des documents ou se soumettent à des tests ADN, les mineurs» sont isolés dans des centres, parfois plusieurs mois, car «les tests ADN prennent beaucoup de temps».