Emmanuel Macron a volé mardi à la rescousse d'Angela Merkel en promettant un contrôle plus efficace des migrants, au moment où l'UE est confrontée à un «choix de civilisation» face aux eurosceptiques.

Objet initial de leur rencontre, la création d'un budget pour la zone euro, réclamé par la France, a fait l'objet d'un accord de principe, mais son montant et ses modalités ont été renvoyés à des négociations ultérieures. Une déception pour Paris, qui avait espéré «un accord substantiel» après des mois de négociations.

Mais l'urgence était d'épauler la chancelière sur le sujet des migrants, après l'ultimatum de son ministre de l'Intérieur pour qu'elle obtienne d'ici deux semaines des résultats sur l'expulsion des illégaux, et alors que l'Europe se déchire sur le sujet.

Les deux dirigeants ont donc annoncé, après trois heures de réunion à Meseberg, près de Berlin, qu'ils travaillaient à un accord entre plusieurs pays de l'espace Schengen pour refouler tout demandeur d'asile vers l'État où il a été enregistré en premier. Même si les contreparties pour les pays concernés, comme l'Italie ou la Grèce, restent encore floues.

Alliance

«Nous allons travailler ensemble pour une solution intergouvernementale ou multigouvernementale avec plusieurs États membres qui sont concernés», a dit Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse avec Angela Merkel.

Cette alliance à quelques-uns éviterait le risque de blocage lors du sommet européen de fin juin par des pays comme la Pologne ou la Hongrie, hostiles à tout partage des migrants.

Il s'agit d'«empêcher les demandeurs d'asile enregistrés de passer d'un pays à l'autre et de garantir la rapidité (...) de la réadmission dans les États» où ils ont été enregistrés», indique le communiqué commun franco-allemand.

La plupart des migrants entrant en Allemagne ou en France sont arrivés depuis la Libye via l'Italie, qui doit les enregistrer dans la base de données EURODAC.

En vertu des règles européennes dites de Dublin, c'est le pays d'enregistrement qui doit traiter leur dossier d'asile, mais depuis la crise migratoire de 2015 ce système n'est de facto pas respecté, afin de préserver des pays comme l'Italie et la Grèce.

Si les négociations évoquées par M. Macron devaient aboutir, elles pourraient permettre à Angela Merkel d'éviter un éclatement de sa coalition au pouvoir depuis seulement trois mois.

La chancelière refuse jusqu'ici la demande de son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, membre de la CSU, l'aile la plus à droite du gouvernement, de refouler sans l'accord de ses voisins des migrants vers le pays d'enregistrement.

Signe de sa bonne volonté, le président français a promis que la France, dans le cadre des accords envisagés, reprendrait les quelques migrants actuellement en Allemagne, mais enregistrés chez elle. Mais il a de nouveau critiqué l'Italie, qui veut refuser les bateaux chargés de migrants approchant ses côtes.

«Les solutions faciles, les déclarations d'estrade ne sont jamais bonnes conseillères», a-il lancé, s'élevant contre les «solutions non coopératives» de pays qui agissent seuls.

Paris et Berlin sont aussi d'accord sur la proposition de Bruxelles de renforcer Frontex, l'agence qui patrouille les côtes européennes, et sur l'harmonisation du droit d'asile.

Budget zone euro

Si Angela Merkel et Emmanuel Macron ont réaffirmé haut et fort leurs choix européens, nombre de sujets ont vu leur concrétisation renvoyée à plus tard.

Outre le principe d'un budget pour la zone euro à partir de 2021 avec une latitude pour investir et pour aider les pays en difficulté, qu'il reste à faire accepter aux autres États membres, l'Allemagne a aussi accepté la proposition française de renforcer l'Europe de la défense par une «initiative européenne d'intervention», sorte d'état-major de crise regroupant une dizaine de pays et devant conduire à une force commune.

Ils sont d'accord pour créer des systèmes d'aide aux pays de la zone euro en difficulté, par des prêts non conditionnés à des programmes de réformes, et sur le principe d'une forme d'assurance chômage européenne. Ils ont aussi affiché leur accord pour la création d'un filet de sécurité contre les faillites de banques, qui doit encore faire l'objet de travaux supplémentaires.

Paris et Berlin mentionnent également leur souhait de «parvenir d'ici la fin de 2018 à un accord de l'UE sur une taxation équitable» des géants du numérique, sans autre détail.