La «disponibilité» et la «pureté» de la cocaïne se sont accrues en Europe, où la production de drogues s'est intensifiée de manière générale, s'inquiète l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) dans son rapport annuel publié jeudi.

«La disponibilité de la drogue reste forte et la production de drogue en Europe est en hausse», a souligné Dimitris Avramopoulos, commissaire européen aux Affaires intérieures. Et «les substances détectées sont de plus en plus puissantes, donc plus dangereuses», a-t-il prévenu en présentant le document devant la presse à Bruxelles.

Si le cannabis reste la drogue la plus consommée en Europe, avec 17,2 millions de consommateurs âgés de 15 à 34 ans, l'OEDT tire la sonnette d'alarme cette année sur la «résurgence» de la cocaïne.

Quelque 98 000 saisies de cocaïne ont été réalisées en 2016 dans l'Union européenne, contre 90 000 en 2015, note le rapport, relevant que la pureté du produit, malgré un prix stable - 60 à 70 euros le gramme -, a grimpé autour de 60% en moyenne.

«La pureté de la cocaïne disponible dans les rues est arrivée à un niveau record sur la dernière décennie, c'est un changement majeur», a insisté le directeur de l'OEDT, Alexis Goosdeel, devant des journalistes, estimant que ce phénomène «aura certainement des impacts» en termes de santé publique, toutefois encore difficiles à observer.

Cette drogue, produite à partir des feuilles de coca principalement en Bolivie, en Colombie et au Pérou, est consommée par «2,3 millions d'Européens», soit près de 2% des personnes âgées de 15 à 34 ans, selon l'OEDT, dont les travaux sont fondés sur des données collectées en 2016 ou l'année la plus récente disponible.

Les trafiquants de cette poudre blanche ont également adapté leurs circuits d'approvisionnement dans «le contexte d'un marché des drogues dynamique», note l'étude.

Ainsi, sur les 70,9 tonnes de cocaïne interceptées en 2016 - en légère hausse par rapport à 2015 -, 30 tonnes l'ont été dans la seule Belgique, dont les ports à conteneurs supplantent désormais ceux de l'Espagne - 15,6 tonnes -, jusqu'à présent le point d'entrée maritime historique de la cocaïne en Europe.

Innovation de la production

La plus grande circulation de cocaïne n'est pas sans conséquence sur la santé des consommateurs européens, dont 30 300 ont été admis en traitement pour la première fois en 2016, en hausse de près de 20% par rapport à 2014.

«Ces évolutions montrent qu'il est de plus en plus important d'intervenir efficacement sur le plan de la prévention, du traitement et de la réduction des risques sanitaires pour les consommateurs de cocaïne», selon le directeur de l'OEDT.

Plus largement, l'OEDT observe avec inquiétude l'«augmentation de la production de drogue qui a désormais lieu en Europe», où «plus de 92 millions» de personnes âgées de 15 à 64 ans «ont déjà expérimenté une drogue illicite».

Ce phénomène s'explique, selon l'étude, par des soucis de commodités, de diminution des risques de détection aux frontières, de disponibilité et de moindre coût des produits chimiques nécessaires à la production.

Les trafiquants européens ne cessent également d'innover leurs méthodes de production avec, notamment, la multiplication des laboratoires de transformation de la cocaïne, de production de MDMA (principe actif de l'ecstasy), de méthamphétamine et d'héroïne.

Concernant le cannabis, la hausse de la production européenne a eu notamment pour conséquence «l'augmentation de la teneur en principe actif de la résine de cannabis (...) importée» depuis le Maroc, observe l'OEDT.

Par ailleurs, certaines des nouvelles substances psychoactives (drogues ou produits de synthèse), dont 51 ont été identifiées pour la première fois en 2017 sur un total de 670 surveillées par l'OEDT, sont désormais de plus en plus souvent produites en Europe, alors qu'elles étaient jusqu'à présent importées généralement de Chine avant d'être conditionnées.

Le patron de l'OEDT a aussi cité «le problème» des dérivés de la famille du fentanyl. «Le chanteur Prince est mort d'une overdose de consommation du fentanyl, et la chanteuse des Cranberries Dolores O'Riordan aussi», a-t-il souligné, pour illustrer l'émergence de cet opioïde synthétique.