L'Italie n'a toujours pas de gouvernement: Carlo Cottarelli, chargé par le président Sergio Mattarella de donner un nouvel exécutif au pays a rencontré mardi le chef de l'État, mais sans qu'il n'en sorte de liste des ministres, contrairement à ce qui était attendu.

M. Cottarelli est resté quelques dizaines de minutes dans le bureau du président, avant de repartir sans faire de déclaration.

M. Cottarelli «a informé le chef de l'État de la situation et tous deux se reverront demain matin», a simplement déclaré à la presse le porte-parole de la présidence, Giovanni Grasso.

Le nouveau gouvernement n'a aucune chance d'obtenir la confiance d'un Parlement dominé par les populistes eurosceptiques. Il devrait se contenter d'expédier les affaires courantes avant de nouvelles élections.

Sortis vainqueurs des législatives du 4 mars, la Ligue (extrême droite) et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste), qui avaient négocié un programme de gouvernement tournant résolument le dos à l'austérité, sont vent debout contre l'exécutif à venir, dont le chef incarne la rigueur budgétaire qu'ils combattent.

Mais le nom de Carlo Cottarelli n'a pas non plus suffi à calmer le vent de défiance qui souffle sur l'économie italienne. Le spread, l'écart entre les taux d'emprunt italien et allemand à dix ans, a fini la journée à 303 points (+ 68), tandis que la Bourse de Milan a clôturé en baisse de 2,65%.

Dans cette situation tendue, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a affirmé que les marchés financiers ne sauraient dicter le vote des Italiens, désavouant des propos attribués au commissaire au Budget Günther Oettinger qui ont provoqué une polémique en Italie.

M. Juncker «tient à faire part de sa conviction que le sort de l'Italie ne saurait dépendre des injonctions que pourraient lui adresser les marchés financiers», a déclaré la Commission dans un communiqué publié quelques heures après une mise en garde du commissaire Oettinger sur un «signal des marchés» aux électeurs italiens.

Ancien haut responsable du Fonds monétaire international (FMI), Carlo Cottarelli a été désigné lundi, au lendemain du veto spectaculaire de M. Mattarella à un exécutif alliant la Ligue et le M5S sans garantie du maintien de l'Italie dans l'euro.

Élections dès juillet ?

Une décision que les chefs de file des deux formations antisystème ont dénoncé avec virulence, estimant qu'elle ne respectait pas le vote des Italiens.

«Je conteste une erreur importante dans le fait de dire non à un gouvernement qui avait une majorité, un programme et une liste de ministres», s'est insurgé Matteo Salvini, le patron de la Ligue, qui avait annoncé lundi que les futures élections seraient «un plébiscite» opposant «le peuple et la vraie vie contre les vieilles castes».

«Samedi et dimanche, nous serons dans plus de 1000 lieux publics à travers le pays pour expliquer les idées, l'avenir et le programme de la Ligue, et aussi recueillir des signatures pour qu'à l'avenir le président de la République [...] soit élu directement par les citoyens», a ajouté M. Salvini.

Luigi Di Maio, chef de file du M5S, a plaidé pour un retour aux urnes «le plus  tôt possible», alors que des médias commençaient à évoquer la date du 29 juillet.

«Si le gouvernement du changement avait été nommé, aujourd'hui nous aurions un gouvernement politique, fort, qui serait déjà au travail», a-t-il ajouté.

M. Di Maio milite aussi pour obtenir la destitution de M. Mattarella, une procédure parlementaire possible uniquement en cas de «haute trahison» ou d'«atteinte» à la Constitution de la part du chef de l'État.

Pour l'instant, les sondages évoquent des intentions de vote stables ou en très légère baisse pour le M5S, qui a obtenu plus de 32% des voix en mars, et en nette hausse pour la Ligue, qui dépasse désormais les 20%, parfois largement, après obtenu 17% en mars au sein de la coalition de droite.

Les médias ont évoqué la possibilité, que M. Salvini n'a pas complètement rejetée, d'un accord électoral entre la Ligue et le M5S susceptible d'offrir une large majorité aux populistes. À moins qu'une réforme électorale n'introduise suffisamment de scrutin majoritaire pour permettre à l'un des deux camps de gouverner seul.