Le président turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié mardi Israël d'«État d'apartheid» et accusé son premier ministre Benyamin Nétanyahou d'avoir «du sang palestinien sur ses mains», sur fond de guerre des mots entre les deux pays après la mort de dizaines de Palestiniens sous les balles israéliennes à Gaza.

La Turquie a demandé mardi à l'ambassadeur d'Israël de quitter temporairement le pays et le président Recep Tayyip Erdogan a qualifié Israël d'«État d'apartheid», une réaction véhémente à la mort des dizaines de Palestiniens sous les tirs israéliens qui risque de saborder la fragile normalisation entre les deux pays.

La Turquie et Israël ont normalisé leurs relations fin 2016 après une grave crise diplomatique déclenchée par un raid israélien contre un navire d'une ONG turque se dirigeant vers la bande de Gaza en 2010.

Les deux parties ont depuis intensifié leur coopération, notamment dans le domaine de l'énergie, mais M. Erdogan, un ardent défenseur de la cause palestinienne, continue de critiquer régulièrement la politique israélienne à l'égard des Palestiniens.

Issu de la mouvance islamo-conservatrice, M. Erdogan ne cache pas en outre son soutien au mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, bête noire des autorités israéliennes. Ce discours trouve un écho chez l'électorat traditionnel de M. Erdogan, candidat à sa propre succession lors des élections anticipées prévues le 24 juin, et lui a permis de bâtir une certaine popularité dans le monde arabo-musulman.

Dès lundi soir, M. Erdogan est monté au créneau après la mort sous les balles israéliennes de près de 60 Palestiniens manifestant à la frontière de Gaza contre le transfert de l'ambassade israélienne de Tel-Aviv à Jérusalem. Dans un discours à Londres où il effectue une visite, il a accusé Israël de «terrorisme d'État» et de «génocide».

«Lis les dix commandements»

Et mardi, l'ambassadeur israélien à Ankara Eitan Naeh, a été convoqué au ministère des Affaires étrangères et a été prié «de retourner dans son pays pour un certain temps», selon la diplomatie turque. La veille, la Turquie avait décidé de rappeler son ambassadeur à Tel-Aviv pour consultations.

La nomination de M. Naeh à Ankara, où il avait pris ses fonctions en décembre 2016 après une longue vacance du poste, avait couronné le processus de normalisation entre les deux pays.

Israël a riposté en ordonnant au consul général turc à Jérusalem «de rentrer dans son pays pour un certain temps».

M. Nétanyahou a rétorqué aux critiques de M. Erdogan en affirmant qu'il n'avait pas de «leçons de morale» à recevoir du président turc.

«Erdogan est parmi les grands supporters du Hamas et il ne fait aucun doute qu'il comprend parfaitement le terrorisme et les massacres. Je suggère qu'il ne nous donne pas de leçons de morale», a affirmé M. Nétanyahou dans un communiqué de son bureau.

Cette réaction de M. Nétanyahou semble avoir provoqué la sortie d'une rare violence à l'égard d'Israël dont le chef d'État turc s'est fendu mardi après-midi.

«Nétanyahou est le premier ministre d'un État d'apartheid qui occupe les terres d'un peuple sans défense depuis plus de 60 ans en violation des résolutions de l'ONU. Il a du sang palestinien sur ses mains et ne peut couvrir ses crimes en attaquant la Turquie», a écrit M. Erdogan sur son compte Twitter.

«Tu veux une leçon d'humanité? Lis les dix commandements», a ajouté le chef d'État turc à l'adresse de M. Nétanyahou.

«Reconsidérer» les relations

Plus tôt dans la journée, son premier ministre Binali Yildirim a appelé les pays musulmans qui entretiennent des relations avec Israël à les «reconsidérer».

M. Yildirim a en outre appelé à la tenue vendredi en Turquie d'un «sommet extraordinaire» de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui compte 57 membres, mais il n'était pas clair dans l'immédiat si une telle réunion se tiendrait effectivement au niveau des chefs d'État.

À l'appel de différentes organisations, des centaines de manifestants ont protesté devant le consulat israélien à Istanbul. Brandissant des drapeaux turcs et palestiniens, ils ont crié en choeur «maudit soit l'impérialisme américain» ou encore «Israël dégage».

Un rassemblement, qui s'annonce imposant, doit se tenir vendredi à 12H00 GMT à Istanbul, à l'appel de M. Erdogan, sous le slogan «Halte à l'oppression».

La Turquie est le président en exercice de l'OCI, qui s'était déjà réuni en sommet à Istanbul en décembre à l'appel de M. Erdogan pour condamner la décision de son homologue américain Donald Trump de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem.

Un responsable du ministère turc des Affaires étrangères parlant sous couvert d'anonymat a affirmé que la nouvelle réunion de l'OCI se tiendrait vendredi à Istanbul.