Le Parlement hongrois largement dominé par le parti de Viktor Orban a inauguré mardi sa nouvelle mandature, contesté par plusieurs milliers de manifestants dans un pays plus divisé que jamais depuis la réélection du premier ministre souverainiste.

Quelques 20 000 personnes, selon une estimation de l'AFP et en l'absence de décompte officiel, se sont rassemblées en fin de journée devant le parlement à Budapest où les députés avaient prêté serment dans la matinée.

De nombreux drapeaux européens flottaient dans la foule pour cette troisième mobilisation depuis la victoire écrasante de Viktor Orban aux législatives du 8 avril. Les organisateurs appelaient à «ne pas laisser le système corrompu d'Orban nous priver de notre liberté, des fonds de l'UE et de la place de notre pays en Europe».

Depuis le scrutin, des milliers de Hongrois se sont ralliés à un mouvement de protestation lancé sur les réseaux sociaux sous le mot d'ordre «Nous sommes la majorité» pour faire entendre la voix des opposants au pouvoir de Viktor Orban qui dirige la Hongrie depuis 2010.

Mais sans réel meneur et plan d'action, confronté au discrédit des partis d'opposition, le nombre de manifestants mardi soir a marqué le pas au regard des précédentes mobilisations.

«Il n'y a rien eu de résultats concrets après les deux dernières manifestations parce qu'il n'y avait pas d'objectifs concrets exprimés», a reconnu Janos Barlai, un retraité venu manifester, estimant que l'incapacité de l'opposition à s'allier aux législatives a déçu les électeurs.

De son côté, Viktor Orban, qui sera officiellement investi jeudi, est sorti renforcé du scrutin qu'il a présenté comme le «mandat le plus fort».  Avec 133 députés sur 199, le parti Fidesz du premier ministre bénéficie d'une «super majorité» des deux-tiers qui permet de réviser la Constitution.

Cortèges hétéroclites

Le député Vert Akos Hadhazy, croisé de la lutte contre la corruption, a refusé mardi de prêter serment dans un parlement qu'il juge «illégitime», a-t-il expliqué à l'AFP, dénonçant les millions d'euros dépensés par le précédent gouvernement pour exercer sa «propagande» auprès des électeurs.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avait estimé après le scrutin que la capacité à voter en connaissance de cause avait été entravée par la «rhétorique xénophobe» ambiante et la «partialité des médias».

Lundi, l'OSCE a exprimé sa «grande préoccupation» après que trois journalistes travaillant pour des sites d'information indépendants se sont vu refuser une accréditation pour couvrir l'ouverture de la session parlementaire.

Viktor Orban a fait du rejet de l'immigration, dans un pays qui n'accueille qu'une poignée de demandeurs d'asile, l'axe de sa campagne électorale à coup de formules choc agitant la «menace vitale» représentée par «l'invasion migratoire» pour la survie de l'«Europe chrétienne».

Il entend poursuivre dans la même veine: «La mission la plus importante du nouveau gouvernement sera la défense de la sécurité de la Hongrie et de la culture chrétienne», a prévenu celui qui a érigé des clôtures barbelées à plusieurs frontières du pays et durci les lois sur l'immigration.

Le premier ministre a déjà annoncé vouloir graver dans la Constitution le refus d'accueillir certains migrants. Il veut faire adopter de nouvelles lois ciblant les ONG. De nombreuses institutions internationales l'ont accusé, depuis 2010, d'avoir muselé les contre-pouvoirs du pays.

Face au Fidesz qui a fait le plein des voix dans la Hongrie rurale, les cortèges anti-Orban présentent un visage hétéroclite, où les drapeaux européens, ceux arc-en-ciel de la communauté homosexuelle côtoient les symboles ultra-nationalistes.

«Soit nous restons en Hongrie pour commencer à travailler et agir maintenant, ou nous ne faisons rien et nous quittons le pays», a lancé mardi soir Viktor Gyetvai, un étudiant de 20 ans et l'une des figures du mouvement.

L'opposition n'a pas meilleure presse que le pouvoir auprès des protestataires. Un récent sondage a conclu que les électeurs rendaient les autres formations politiques, divisées et au discours peu audible, responsables de leur propre défaite.

Or, sans «une coordination entre l'opposition parlementaire et celle de la rue», les manifestations seront vaines, estime l'analyste Daniel Hegedus.