Après trois semaines de manifestations et la démission de l'ex-premier ministre Serge Sarkissian, l'Arménie est plongée dans une crise politique sans précédent.

Mardi, le Parlement n'est pas parvenu à élire un nouveau chef du gouvernement, rejetant la candidature de l'opposant Nikol Pachinian. De nouvelles élections sont prévues pour le 8 mai.

Quels sont les scénarios possibles pour une sortie de crise ?

Élection de Nikol Pachinian

À la tête de fronde antigouvernementale, cet opposant de 42 ans, largement soutenu par l'opinion publique, n'est pas parvenu à convaincre les députés de voter pour lui.

Bien que n'ayant pas présenté de candidat rival, le Parti républicain, qui dispose de 58 des 105 sièges au Parlement, a fait bloc contre M. Pachinian. «C'était le premier round de la lutte entre Nikol et les Républicains : chaque partie a montré ses muscles», résume pour l'AFP l'analyste Viguen Hakobian.

Le prochain tour pourrait être plus serré : en appelant à la «désobéissance civile» et au blocage des routes, trains et aéroports, Nikol Pachinian capitalise sur le soutien des Arméniens pour peser sur l'élection du 8 mai.

«Si la pression continuait à augmenter, quelques [députés républicains] pourraient voter pour lui», affirme-t-il.

Avec l'appui de trois des quatre formations parlementaires, Nikol Pachinian peut compter sur 47 voix sauf défection. Il lui faut donc convaincre au minimum six députés du Parti républicain de voter pour lui le 8 mai.

L'opposant n'a cependant pas encore dit s'il se présenterait une deuxième fois au poste de premier ministre.

Le parti au pouvoir élit son propre candidat

Ayant la majorité absolue au Parlement, le Parti républicain pourrait aisément présenter un candidat et le faire élire le 8 mai.

Une telle décision provoquerait «une aggravation de la crise», avec «des conséquences très dangereuses» pour l'Arménie, estime M. Hakobian, jugeant que le mouvement de contestation grossirait malgré une société «démoralisée».

Pour l'expert Stepan Safarian, une fois son candidat élu, le parti au pouvoir pourrait «faire une folie et instaurer l'état d'urgence». «Ils [les actuels dirigeants, NDLR] ont perdu le contrôle sur la société, elle ne veut plus obéir à ces autorités», souligne-t-il.

Président de 2008 à 2018, l'ex-premier ministre Serge Sarkissian, qui a démissionné le 23 avril six jours après avoir été élu par le Parlement, reste à la tête du Parti républicain.

De nombreux Arméniens reprochent à l'ex-président et à son parti de ne pas avoir su faire reculer la pauvreté et la corruption et d'avoir laissé aux oligarques le contrôle de l'économie.

Dissolution du Parlement

En vertu de la Constitution arménienne, si les députés ne parviennent pas à élire un nouveau premier ministre pour la deuxième fois consécutive, le Parlement doit être dissous et des élections législatives convoquées 30 à 45 jours plus tard.

Ce scénario n'est pas souhaité par les autorités car le Parti républicain «pourrait ne pas revenir du tout au Parlement», estime M. Safarian.

Pour M. Hakobian, la dissolution du Parlement est «finalement l'option la plus probable». En cas d'élections anticipées, «le pouvoir de la rue sera alors transféré au Parlement», juge-t-il.