L'opposant arménien Nikol Pachinian espérait une démonstration de force dimanche soir dans les rues d'Erevan qui permettrait de le faire élire mardi à la tête du gouvernement.

Environ cinq mille personnes étaient réunies sur la place de la République, au coeur de la capitale de l'Arménie, en amont d'une manifestation prévue pour à partir de 11h00, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Enveloppés dans des drapeaux aux couleurs nationales orange, bleu et rouge, certains chantaient, scandaient des slogans et jouaient de la musique pour marquer leur soutien à Nikol Pachinian, le chef de la fronde antigouvernementale.

«Nous assistons à un moment décisif», a assuré à l'AFP Arout Khachatrian, un lycéen de 17 ans, estimant que le Parti républicain, au pouvoir, devrait jeter l'éponge.

«Nous poursuivrons les manifestations jusqu'à ce que le candidat du peuple arrive au pouvoir», a promis Vartan Madatian, un comptable de 34 ans. «J'espère que les Républicains auront assez de bon sens pour ne pas s'accrocher au pouvoir et pour voter pour Nikol» Pachinian, a-t-il ajouté.

Depuis le 13 avril, cette ex-République soviétique du Caucase, est plongée dans une crise politique sans précédent: un mouvement de protestation a provoqué le 23 avril la démission de Serge Sarkissian, tout juste élu premier ministre, six jours auparavant, par les députés, après avoir été le chef de l'État pendant dix ans.

Convoqué en session extraordinaire, le Parlement arménien doit lui élire mardi un successeur pour diriger le gouvernement.

À la tête du mouvement de protestation, le député Nikol Pachinian, un ancien journaliste et opposant de longue date, est actuellement le seul candidat déclaré pour le poste de premier ministre.

Samedi, après des jours de négociations, le parti Arménie prospère, qui a 31 sièges au Parlement, a annoncé qu'il le soutiendrait, tout comme le parti Fédération révolutionnaire arménienne, qui en a sept.

M. Pachinian, 42 ans, peut également compter sur l'appui de la coalition Yelk (neuf sièges), soit un total de 47 voix.

Pour être élu, il doit obtenir le vote de 53 des 105 députés: il aura donc besoin de quelques transfuges du Parti républicain, qui détient avec 58 sièges la majorité absolue au Parlement. Ce parti a annoncé qu'il ne présenterait pas de candidat et qu'il attendrait de connaître le nom de tous les candidats pour arrêter sa position.

«Si trois forces politiques parlementaires soutiennent un seul candidat pour l'élection du premier ministre, alors le Parti républicain ne s'y opposera pas», a d'ores et déjà dit aux journalistes Vagram Bagdassarian, le porte-parole du groupe parlementaire du Parti républicain.

«Les députés du parti au pouvoir semblent ne pas vouloir être un obstacle à ma candidature», a confirmé Nikol Pachinian, qui a annoncé vouloir une réunion avec cette formation politique.

Pour certains observateurs, M. Pachinian devrait pouvoir rallier certains députés du Parti républicain. «Je suis sûr qu'au moins six personnes du Parti républicain - comme des rats qui quittent le navire - voteraient pour Pachinian», a déclaré à l'AFP l'expert Ervand Bozoïan.

«Tout ira bien»

Pour peser sur l'élection, Nikol Pachinian a appelé ses partisans à organiser un rassemblement géant dimanche dans la soirée.

«Nos fantastiques rassemblements dans le pays ont eu un effet puissant sur la situation», a-t-il dit à ses partisans dans une vidéo. «Tout ira bien. Nous devons continuer jusqu'à la victoire».

Nikol Pachinian est allé cette semaine à la rencontre de ses partisans à travers l'Arménie, accueilli en héros dans des villes et des villages par des foules agitant le drapeau de l'Arménie.

Cette crise politique déstabilise l'Arménie, un petit État enclavé du Caucase du Sud, fragilisé par un conflit territorial avec son voisin l'Azerbaïdjan depuis des décennies.

Après deux semaines d'immobilisme, du moins en public, la Russie semble vouloir se positionner en tant que médiateur: jeudi, Vladimir Poutine s'est entretenu au téléphone avec le chef de gouvernement par intérim Karen Karapetian.

De son côté, Nikol Pachinian a rencontré des députés russes, leur assurant qu'une fois au pouvoir il ne mettrait pas en danger les bonnes relations qu'entretiennent Erevan et Moscou.

L'Arménie dépend des investissements et de l'aide de la Russie et abrite une base militaire russe. Des garde-frontières russes patrouillent à sa frontière avec la Turquie et l'Iran.

Du côté des États-Unis, le département d'État a appelé samedi à «une solution qui reflète les intérêts de tous les Arméniens».

Les manifestants reprochent à M. Sarkissian, un ancien militaire de 63 ans, de n'avoir pas su faire reculer la pauvreté et la corruption pendant ses dix ans passés au pouvoir et d'avoir laissé aux oligarques le contrôle de l'économie de ce pays de 2,9 millions d'habitants.