Theresa May a mis en garde jeudi ses partenaires de l'Union européenne contre la «menace» que font peser à ses yeux les agissements de la Russie pour le reste de l'Europe, et a plaidé pour une condamnation unanime de Moscou dans l'affaire de l'empoisonnement d'un ex-espion russe en Grande-Bretagne.

«L'incident de Salisbury s'inscrit dans le cadre des attaques menées par la Russie contre l'Europe», a accusé Mme May à son arrivée à Bruxelles pour un sommet européen. «La menace russe ne respecte pas les frontières», a-t-elle affirmé.

Elle rencontrera jeudi soir avec le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel pour coordonner les pressions sur les pays les plus réticents, avant le dîner de travail du sommet.

L'objectif est de durcir la déclaration finale des 28, lors de leur sommet, après l'empoisonnement de l'ancien agent russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia le 4 mars à Salisbury.

Le ton ne cesse de monter entre Londres et Moscou. Le dernier clash est survenu quand Boris Johnson, le chef de la diplomatie britannique, a comparé la Coupe du monde de football organisée par la Russie en juin et juillet aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936 sous Hitler.

«Cette déclaration est insultante et inacceptable», s'est insurgé le ministère des Affaires étrangères russe. L'ambassadeur de Russie à Londres a pour sa part assuré que tous les supporteurs anglais seraient en «totale sécurité» durant leur séjour en Russie, en réponse à une demande expresse de M. Johnson.

Union divisée

Mais les capitales européennes sont divisées sur l'attitude à adopter face à Moscou.

Un consensus a été trouvé à 28 pour dire que les États membres prennent «très au sérieux l'évaluation du gouvernement britannique selon laquelle il est très probable que la Fédération de Russie est responsable».

Il sera très difficile de trouver un accord pour modifier cette formulation, a confié jeudi à l'AFP une source européenne proche des discussions.

D'un côté, dans le camp des durs, la présidente lituanienne Daria Grybauskaité a annoncé réfléchir à expulser des diplomates russes.

De l'autre, la Grèce, l'Italie, Chypre et l'Autriche sont réticents à une escalade des tensions avec la Russie de Vladimir Poutine, réélu triomphalement dimanche pour un quatrième mandat.

«Nous devons exprimer notre solidarité avec la Grande-Bretagne, mais en même temps, il faut enquêter, nous devons être très responsables dans la gestion de cette affaire», a déclaré le Premier ministre grec Alexis Tsipras.

Mesures nationales

«Pas question de changer le langage. Il n'y a pas de raisons», a affirmé le représentant d'un pays opposé au durcissement de la position des 28.

«Certains pays comme la France sont prêts à de possibles mesures, décidées sur base nationale, en concertation avec d'autres pays européens», a indiqué l'Élysée, en soulignant que Paris «était prêt, si Theresa May le souhaitait, à être encore plus explicite dans son soutien».

À Moscou, Vladimir Poutine a réuni jeudi le Conseil de sécurité russe au sein duquel siègent le Premier ministre Dmitri Medvedev et tous les responsables de la sécurité, pour «un échange de points de vue sur la politique inamicale et provocatrice de la Grande-Bretagne à l'égard de la Russie», a précisé le Kremlin.

Londres a expulsé 23 diplomates russes, présentés comme des agents du renseignement «non déclarés» pour sanctionner Moscou.

La Russie a répliqué par l'annonce de l'expulsion d'un nombre équivalent de diplomates britanniques et la cessation des activités du British Council en Russie.

Mais sans preuves tangibles contre Moscou, les velléités de Mme May à Bruxelles pourraient rester sans réponse, avertit un diplomate.

Un juge britannique a autorisé jeudi des prélèvements de sang sur Sergueï Skripal et sa fille pour les transmettre aux experts de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).

Commerce, Brexit et zone euro

Les dirigeants européens ne devraient toutefois pas discuter jeudi de nouvelles sanctions contre Moscou.

La Russie est déjà sous le coup de sanctions économiques décidées en 2014 pour punir l'annexion de la Crimée et le soutien présumé de Moscou aux séparatistes dans l'est de l'Ukraine.

Les échanges de jeudi après-midi portaient sur la politique commerciale, avec la décision du président américain Donald Trump d'imposer des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium.

Les États-Unis ont accepté jeudi les demandes pressantes de l'UE de l'exempter de cette mesure qui vise essentiellement les surcapacités de la Chine.

La seconde journée du sommet, vendredi, sera consacrée à une discussion à 27, sans Theresa May, sur la future relation post-Brexit avec le Royaume-Uni.

Elle sera suivie, en format encore plus réduit, par un débat entre les 19 pays membre de la zone euro sur l'avenir de l'Union économique et monétaire (UEM).