Contestée à l'interne depuis sa défaite à la présidentielle de 2017, la présidente du parti français d'extrême droite Front national, Marine Le Pen, va tenter de relancer son mouvement, qui devrait notamment changer de nom, lors d'un congrès de « refondation » organisé dans le nord de la France samedi et dimanche.

« L'échec n'est pas fatal, ce qui compte, c'est le courage de continuer », assure la finaliste à l'élection présidentielle française en évoquant Winston Churchill. Finalement battue par Emmanuel Macron, elle avait engrangé un record de près de 11 millions de voix (33,9 %) au second tour.

Seule candidate à sa succession, la présidente du FN est assurée d'être réélue et viendra dimanche avec trois lignes directrices: « s'implanter, s'allier, gouverner », une petite révolution pour un parti d'extrême droite marqué par une culture d'opposition, peu familier des alliances.

Elle entend à cet égard présenter une liste de « rassemblement » des « nationaux » contre les « mondialistes » aux élections européennes de 2019, dans un contexte où les classes politiques traditionnelles sont ébranlées. En Italie, les percées historiques dimanche des populistes du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue d'extrême droite aux législatives s'inscrivent dans la lignée de la poussée de l'extrême droite ailleurs en Europe, notamment en Autriche où une coalition droite-extrême droite est au pouvoir depuis décembre.

Pour parachever le ravalement « du sol au plafond », la dirigeante frontiste proposera un nouveau nom, même si la perte de l'appellation historique ne fait pas l'unanimité. Un vote aura lieu après le congrès.

Avant ce vote officiel, Marine Le Pen a annoncé que les militants avaient validé à une « courte majorité » le principe d'un changement de nom, dans un questionnaire envoyé aux 51 000 adhérents, et dont les résultats seront présentés samedi.

Mais cette annonce a été contestée par un cadre du FN informé des dépouillements. « Les échos que j'ai eus, c'est qu'il y a une courte majorité "contre" », a rapporté cette source.

Le cofondateur et ancien président du FN Jean-Marie Le Pen a lui aussi contesté l'annonce faite par sa fille. « Cette annonce faite entre deux portes est contredite par toutes les sources internes qui, depuis des semaines, font au contraire état de l'attachement de la base à l'étiquette FN », écrit-il dans un communiqué, estimant qu'un changement de nom serait un « suicide » pour le parti.

Marine « punie »

Beaucoup de militants, voire des cadres, s'interrogent sur la capacité de Mme Le Pen à diriger encore le FN depuis son débat « raté » entre les deux tours de la présidentielle, qui a contribué à la dégradation de son image auprès des Français, selon un sondage Kantar Sofres. « Subir un trou d'air » après sept ans « d'expansion » pour le FN « n'a rien d'étonnant », rétorque Marine Le Pen.

Soulagement pour Marine Le Pen, son père a renoncé à faire un coup d'éclat en se rendant au congrès - une première pour lui. Il n'est plus adhérent et devrait perdre la présidence d'honneur lors du vote sur les nouveaux statuts.

Désireuse depuis son arrivée en 2011 de « dédiaboliser » un parti au passé sulfureux, Marine Le Pen avait exclu en 2015 le cofondateur du FN après de nouveaux propos polémiques sur la Shoah.

En revanche, Marine Le Pen reste courtoise avec sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, qui s'était retirée de la scène électorale avant les législatives et a fait un retour remarqué le 22 février à Washington devant le gratin conservateur américain, où elle a présenté son projet d'académie des droites.

L'ex-étoile montante du FN reste très appréciée dans le parti et « épate » même sa tante, pourtant plus étatiste et moins conservatrice qu'elle sur les questions de société.

Mais Marion ne viendra pas au congrès.

Sans concurrent ni relève, Marine Le Pen aura-t-elle plus à craindre, sur le chemin de la refondation, des affaires judiciaires ?

Fin juin, elle a été mise en examen pour « abus de confiance » dans l'enquête sur des emplois fictifs présumés d'assistants d'eurodéputés, dont le préjudice approcherait les 7 millions d'euros. De plus en 2015, plusieurs de ses proches ont été mis en examen pour « financement illégal » de campagnes électorales en 2012.

Le congrès pourrait aussi, comme en 2014, être perturbé par des manifestants, selon un appel sur Facebook.