Un élu de l'extrême droite allemande a déclenché jeudi un tollé en qualifiant les Turcs de «marchands de cumin» et de «chameliers», dernier dérapage en date de la part de ce mouvement en plein essor.

Le chef de l'État allemand, Frank-Walter Steinmeier, a dénoncé une «stratégie» mise en oeuvre par l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), faite de «propos excessifs, d'attitudes sans-gêne et haineuses».

Le président, autorité morale suprême en Allemagne, a exhorté «les citoyennes et les citoyens de ce pays» à ne «pas se laisser manipuler».

Il s'en prenait à des propos tenus la veille par André Poggenburg, un élu de l'AfD, lors d'une réunion politique dans l'est de l'Allemagne.

Responsable de son mouvement dans une région de l'ex-RDA, où ce parti islamophobe et anti-immigrés est particulièrement bien implanté, M. Poggenburg a qualifié les Turcs de «marchands de cumin».

Plaintes

«Ils ont eux-mêmes un génocide de 1,5 million de personnes au cul», a-t-il ajouté en référence au génocide des Arméniens (1915-1916), nié par Ankara.

«Et ils veulent nous apprendre quelque chose sur l'histoire et la patrie? Ils déconnent complètement! Ces chameliers devraient retourner chez eux, loin derrière le Bosphore, à leurs cabanes en torchis et à leur polygamie!», a-t-il ajouté.

L'élu, qui a plaidé jeudi la «satire politique», répondait aux critiques de membres de la communauté turque d'Allemagne, forte d'environ 3 millions de personnes, contre la création d'un ministère de l'Intérieur et de la Patrie en Allemagne.

Ce ministère est prévu dans le futur gouvernement que la chancelière conservatrice Angela Merkel veut mettre sur pied avec les sociaux-démocrates. La communauté turque y voit un risque d'«exclusion et de division».

L'appellation ministère «de la Patrie», nouvelle en Allemagne pour ce portefeuille, est considérée comme un geste à l'égard de l'électorat le plus conservateur, inquiet de l'arrivée de plus d'un million de migrants dans le pays depuis 2015 et des répercussions possibles sur les traditions nationales.

Choquées par les propos de l'élu d'extrême droite, des associations turques ont annoncé jeudi des dépôts de plainte pour «incitation à la haine raciale».

«On ne peut pas ignorer de telles insultes et les supporter en silence», a déclaré à l'agence de presse allemande DPA Gökay Sofuoglu, président de TGB, alors que la Fédération turque de Berlin et du Brandebourg, région qui entoure la capitale allemande, prépare une plainte similaire.

Le Parquet de Dresde a aussi annoncé qu'il examinait la possibilité d'ouvrir une procédure contre l'élu.

«Goebbels»

Dans les autres partis politiques, les condamnations ont fusé.

La gauche radicale a estimé que l'extrême droite allemande «se rapprochait de Goebbels», le ministre de la Propagande d'Adolf Hitler. Un élu du parti démocrate-chrétien d'Angela Merkel a accusé l'AfD «de répandre à dessein la haine en Allemagne et de s'être disqualifiée», tandis que le parti social-démocrate a réclamé une surveillance du mouvement par le Renseignement intérieur.

Le président de l'AfD Jörg Meuthen n'a condamné lui qu'à demi-mot son élu. Il a certes jugé que M. Poggenburg était «allé trop loin», tout en regrettant les critiques contre un ministère de la Patrie, «une réalité évidente dans d'autres pays» selon lui.

Cette polémique est survenue le jour même d'une rencontre entre Mme Merkel et le Premier ministre turc Binali Yildirim, étape importante dans les efforts de rapprochement entre les deux pays après plus d'un an de brouille.

L'AfD, qui surfe sur les craintes dans l'opinion liées aux réfugiés, a fait une entrée fracassante en septembre à la chambre des députés, où elle compte près d'une centaine d'élus.

Ses membres sont coutumiers des dérapages verbaux, qui entrent dans le cadre d'une stratégie visant à faire reculer les limites de qui peut être dit en Allemagne, pays longtemps hanté par le souvenir du nazisme.

Des élus AfD ont traité récemment le fils métis de l'ancien champion de tennis Boris Becker de «demi-nègre» et Angela Merkel de «putain».