Des milliers de personnes ont défilé dans le calme samedi à Macerata contre le fascisme, une semaine après la fusillade à caractère raciste ayant fait six blessés dans cette petite ville du centre de l'Italie qui s'était barricadée par crainte de débordements.

D'autres rassemblements plus petits ont eu lieu à travers le pays, comme à Milan, où une manifestante a brandi une pancarte implorant: «Étrangers, ne nous laissez pas seuls avec les fascistes».

À Piacenza (nord), de brèves violences ont éclaté entre plusieurs dizaines de manifestants antifascistes et les forces de l'ordre.

À Macerata où les autorités redoutaient des débordements, les manifestants venus parfois de loin ont défilé sous un froid soleil à l'appel d'associations antifascistes, d'ONG, de syndicats, mais aussi de quelques formations politiques de gauche.

Dans le cortège, estimé à 10 000 par la préfecture et à près de 30 000 par les organisateurs, beaucoup ont agité des drapeaux rouges et noirs en chantant des classiques comme «Bella ciao», mais certains avaient aussi apporté des drapeaux italiens.

«S'il y a des chômeurs, c'est la faute du gouvernement, pas des migrants», ont-ils scandé.

Le maire de Macerata, Romano Carancini (centre-gauche), avait demandé l'annulation de tous les rassemblements pour laisser la ville souffler, mais la préfecture a donné son feu vert vendredi soir pour celui de samedi, à condition que le cortège évite le centre historique.

Par crainte de violences, les écoles sont restées fermées, la messe du samedi soir a été annulée et la plupart des commerces ont fermé à la mi-journée. Le dispositif policier était discret, même si un hélicoptère a longtemps survolé la ville.

Jeudi soir, des heurts avaient éclaté quand plusieurs dizaines de militants du groupuscule d'extrême droite Forza Nuova ont manifesté contre l'immigration et adressé le salut fasciste à la police.

«Crève»

Giuliano Denti, un jardinier de 40 ans venu de Pise avec une centaine de militants antifascistes pour manifester samedi, s'est emporté contre l'incident.

«Nous avons une Constitution antifasciste par excellence et je voudrais que cette Constitution soit défendue et que les lois contre l'apologie du fascisme soient appliquées», a-t-il déclaré.

De nombreux manifestants d'origine africaine ont défilé, des migrants réclamant une régularisation, mais aussi des personnes installées en Italie depuis des années et dénonçant un racisme diffus.

«Il est singulier que les palais du pouvoir aient assimilé fascisme et antifascisme, c'est comme ça que l'on donne de l'oxygène au fascisme», a regretté Oladejo Olawale, un Nigérian vivant depuis 35 ans en Italie et candidat d'un parti de gauche à Imola (nord).

«Mes filles de 16 et 19 ans reçoivent des insultes racistes. Nous avons peur», a-t-il ajouté.

«Ma couleur n'est pas un crime», proclamait une petite pancarte brandie par Gennaba Diop, une Sénégalaise de 23 ans qui est née et a grandi à Macerata.

«Il y a beaucoup de tension et de racisme ici, les gens vous regardent bizarrement tout le temps. Ce n'est pas vrai que tout le monde est intégré», a-t-elle déclaré. «L'autre jour, les gens de Forza Nuova m'ont dit "crève"».

Il y a une semaine, Luca Traini, un jeune homme au crâne rasé et aux tatouages d'inspiration fasciste, a tiré sur une dizaine d'Africains à travers la ville, faisant au moins six blessés.

Il a affirmé avoir agi pour venger la mort de Pamela Matropietro, une jeune fille de 18 ans dont le corps a été retrouvé découpé en morceaux, après l'annonce de l'arrestation d'un revendeur de drogue nigérian soupçonné d'être impliqué dans ce crime.

Deux autres Nigérians ont été arrêtés depuis et le procureur a annoncé samedi que l'enquête était «close» et qu'il s'agissait probablement d'un homicide volontaire, alors que la thèse d'une overdose avait été évoquée.