Les États-Unis et la Turquie ont tourné jeudi la page de la crise des visas déclenchée il y a près de trois mois par l'arrestation d'un employé de la mission américaine à Ankara, mais les relations restent tendues entre les deux pays alliés.

Le département d'État américain et l'ambassade des États-Unis à Ankara ont annoncé jeudi la reprise totale de la délivrance de visas en Turquie. Dans la foulée, les autorités turques ont rendu publique une mesure identique concernant les visas octroyés aux Américains, au nom du «principe de réciprocité».

La levée des restrictions, imposées le 8 octobre et très partiellement réduites en novembre, prend effet «immédiatement», a précisé à l'AFP un responsable du département d'État.

La crise des visas avait été provoquée par l'inculpation pour «espionnage», début octobre, d'un employé turc du consulat américain à Istanbul. Metin Topuz est soupçonné par la justice turque d'être lié à Fethullah Gülen, un prédicateur installé aux États-Unis, à qui Ankara impute le putsch manqué du 15 juillet 2016. Washington avait également dénoncé l'arrestation d'un autre employé turc de ses missions diplomatiques, et la convocation d'un troisième par la justice.

Le département d'État avait alors expliqué que la délivrance de visas ne pourrait reprendre totalement tant que la Turquie n'aurait pas relâché ces personnes ou présenté des «preuves» pour étayer ses accusations.

Les cas de ces employés n'ont pas été réglés, reconnaît-on à Washington. «Nous continuons d'être très inquiets au sujet des accusations contre les employés locaux de nos missions en Turquie qui ont été arrêtés» et de «rechercher une résolution satisfaisante à ces cas», a expliqué la diplomatie américaine dans un communiqué, évoquant aussi la situation de ressortissants américains arrêtés dans le cadre de l'état d'urgence décrété en Turquie après la tentative de putsch.

«Assurances à haut niveau»

Pour autant, la Turquie a «donné des assurances à haut niveau» aux États-Unis, et en conséquence, le département d'État est «confiant que la situation sécuritaire s'est suffisamment améliorée pour permettre la reprise totale de la délivrance de visas en Turquie». Les autorités turques vont par ailleurs informer «à l'avance» Washington si elles ont l'intention d'arrêter des employés consulaires locaux, selon le département d'État.

Signe que les deux pays peinent à être au diapason, l'ambassade de Turquie à Washington a contesté dans un communiqué avoir donné de telles «assurances concernant des cas dans les mains de la justice». «La Turquie est un État de droit», proteste-t-elle.

Pour justifier le revirement américain sans avoir, à ce stade, résolu le cas des employés arrêtés, un responsable du département d'État souligne que «la Turquie est un allié de longue date au sein de l'OTAN et un partenaire crucial en matière de défense». «Nous travaillons étroitement ensemble pour faire face aux importants défis communs», dit-il à l'AFP.

Les relations entre Ankara et Washington sont agitées par de nombreux sujets de discorde depuis le putsch manqué, dont l'extradition de Fethullah Gülen, réclamée sans succès par le président turc Recep Tayyip Erdogan. Ce dernier a aussi été irrité par l'arrestation du banquier turc Mehmet Hakan Atilla, en mars, et de l'homme d'affaires turco-iranien Reza Zarrab l'an dernier, tous deux accusés par la justice américaine d'avoir violé les sanctions contre l'Iran.

Le président Erdogan a aussi vivement dénoncé la reconnaissance par son homologue américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale d'Israël. Et bien que les deux pays soient partenaires dans la lutte contre les jihadistes du groupe État islamique, la Turquie reproche aux États-Unis d'appuyer en Syrie des milices kurdes qu'elle qualifie de «terroristes», et participe à des pourparlers sur le conflit syrien avec la Russie et l'Iran, au grand dam de Washington.

Dans un discours fin novembre, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a demandé à la Turquie, au carrefour de l'Europe et de l'Asie, de «donner la priorité» à ses alliés au sein de l'OTAN. «L'Iran et la Russie ne peuvent pas offrir aux Turcs les bénéfices économiques et politiques que leur apporte l'appartenance à la communauté des nations occidentales», a-t-il prévenu.