La Commission européenne et le Royaume-Uni ont fini par tomber d'accord vendredi sur les modalités de leur divorce, ouvrant la voie à des discussions commerciales après des mois de discussions tendues et de coups de théâtre.

Les événements s'étaient accélérés ces derniers jours jusqu'à une rencontre tôt vendredi matin à Bruxelles, annoncée au dernier moment, entre la première ministre britannique Theresa May et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Les deux dirigeants sont parvenus à un accord de principe pour clore la première phase de négociations entamée le 19 juin dernier, un an après le référendum historique par lequel les Britanniques ont décidé de quitter l'UE et de mettre fin à plus de 40 ans d'une relation mouvementée.

« Je crois que nous avons maintenant fait la percée dont nous avions besoin », s'est réjoui le chef de l'exécutif européen lors d'une conférence de presse commune avec Mme May, organisée après une nuit d'ultimes tractations.

La Commission, qui mène les négociations du Brexit au nom de l'UE, recommande donc aux 27 de constater que des « progrès suffisants » ont été faits pour qu'ils acceptent de discuter avec Londres de leurs relations futures, notamment sur le plan commercial.

Cette décision devra être prise par les dirigeants des 27 lors d'un sommet européen à Bruxelles, programmé le 15 décembre. S'ils donnent leur feu vert, les deux parties pourront donc ouvrir cette deuxième phase, que Londres s'impatientait de pouvoir lancer.

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Les trois priorités absolues que les Européens avaient posées comme préalables - le sort de la frontière irlandaise, la facture du divorce et les droits des citoyens - ont fait l'objet d'un compromis sous la forme d'un texte de 15 pages.

« Il faut encore le travailler, le consolider, le préciser », a averti le négociateur de l'UE Michel Barnier.

Il a notamment souligné que l'accord politique sur le dossier irlandais, qui avait fait capoter lundi une première tentative de clore la première phase des négociations, devrait maintenant faire l'objet de discussions techniques.

« En Irlande du Nord, nous garantirons qu'il n'y aura pas de frontière dure » avec l'Irlande, a assuré Mme May, dont les engagements ont soulagé le gouvernement irlandais.

« Nous avons les assurances et les garanties dont nous avons besoin du Royaume-Uni », s'est réjoui le premier ministre irlandais Leo Varadkar.

L'Irlande était inquiète des conséquences d'un retour des postes-frontière avec la province britannique d'Irlande du Nord, qui aurait affaibli selon elle ces deux économies imbriquées, et fragilisé l'accord de paix qui avait mis fin en 1998 à 30 années d'un sanglant conflit.

Dans le dossier des droits des ressortissants expatriés, la Commission a assuré que « les citoyens de l'Union vivant au Royaume-Uni et les citoyens britanniques installés dans l'UE à 27 conserveront les mêmes droits une fois que le Royaume-Uni aura quitté l'UE ».

Concernant la facture du Brexit, les deux camps se sont accordés comme prévu sur une « méthodologie » de calcul, et non sur un chiffre final.

L'accord prévoit notamment que le Royaume-Uni continuera à verser ses contributions prévues dans le budget de l'UE en 2019 et 2020. Et restera ensuite redevable des engagements pris dans les budgets passés, mais pas encore payés.

« Nous ne pouvons pas calculer exactement les sommes en question, tous ces chiffres vont bouger », a assuré Michel Barnier, alors que les estimations officieuses de l'UE ces derniers mois tournaient autour de 60 milliards d'euros.

Déjà sous le feu des critiques des europhobes britanniques, le gouvernement de Mme May a de son côté donné une fourchette de 40 à 45 milliards d'euros.

Le « plus difficile » à venir

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a envoyé sans tarder vendredi aux dirigeants des 27 un projet de texte traçant les grandes lignes directrices de la seconde phase des négociations, pour préparer le sommet du 15 décembre.

« Le défi le plus difficile est devant nous », a-t-il averti, regrettant qu'« autant de temps ait été consacré à la partie la plus simple » des négociations et proposant de commencer le plus vite possible les discussions sur une période de transition post-Brexit.

Pour Michel Barnier, elles pourraient commencer « en début d'année », avant le lancement « un peu plus tard » de celles portant sur la future relation », qui devront ensuite être détaillées, peut-être en février ou en mars.

Un accord commercial entre Londres et Bruxelles ne pourra être « finalisé et conclu qu'une fois le Royaume-Uni devenu un pays tiers ». Mais un cadre doit être préparé, et pourra faire l'objet d'une déclaration politique accompagnant l'accord final de retrait.

Étant donné les exigences actuelles du Royaume-Uni, comme la sortie du marché unique et de l'Union douanière, Michel Barnier a déjà prévenu : un accord de libre-échange « sur le modèle [de celui établi avec] le Canada » est la seule hypothèse de travail possible.