Le président Vladimir Poutine a souligné l'importance qu'il accorde à ses relations avec l'Église orthodoxe en participant pour la première fois vendredi à une assemblée des évêques du Patriarcat de Moscou dans la capitale.

Ce geste symbolique témoigne de sa volonté d'afficher et de renforcer ses liens déjà étroits avec l'Église orthodoxe, à un peu plus de trois mois de l'élection présidentielle en Russie à laquelle il devrait, sauf énorme surprise, être candidat pour un quatrième mandat.

Vladimir Poutine s'est rendu à la cathédrale du Christ-Sauveur, près du Kremlin, où se tient un synode qui réunit quelque 350 hiérarques, les évêques de Russie et ceux des églises affiliées au Patriarcat de Moscou à l'étranger.

C'est la première fois qu'un président de la Fédération de Russie participe à cette assemblée, organisée au moins une fois tous les quatre ans selon les règles de l'Église.

Le patriarche Kirill s'est félicité d'un « événement historique ».

« Les autorités religieuses ont de quoi se réjouir. Poutine vient à eux, comme les empereurs byzantins se rendaient aux Conciles dans un passé lointain », a commenté pour l'AFP Boris Falikov, du centre d'Études sur les religions de l'Université RGGOu à Moscou.

« Nous observons dans de nombreux pays l'érosion des valeurs traditionnelles, ce qui mène à la dégradation de la société [...] L'indifférence et la perte des valeurs repères aboutissent au radicalisme, à la xénophobie et aux conflits religieux », a déclaré le président russe devant le synode.

Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Poutine en 2000, l'Eglise a vu son influence croître en Russie, où la majorité de la population est orthodoxe, et elle est devenue un interlocuteur privilégié du Kremlin.

Elle a récupéré de nombreux monastères et églises saisis à l'époque communiste, elle a obtenu l'introduction dans les établissements scolaires de cours d'initiation religieuse et l'adoption d'une loi punissant de prison les « offenses aux sentiments des croyants ».

De son côté, le patriarche Kirill affiche un soutien constant au Kremlin, qu'il s'agisse de défendre l'annexion de la Crimée, l'intervention militaire russe en Syrie ou de faire l'éloge du candidat Poutine, comme cela avait été le cas lors de la dernière élection présidentielle, en 2012.

Combler un « vide »

« L'alliance avec l'Eglise est très importante pour le président », estime M. Falikov en soulignant un point majeur de convergence : « l'Eglise prône les valeurs traditionnelles, comme Poutine, qui dénonce "la décadence morale" de l'Occident ».

Sous Poutine, « s'est créé un système dans lequel les intérêts de l'Eglise et de l'État sont liés », reconnaît Roman Lounkine, du Centre d'études des questions religieuses de l'Académie des Sciences à Moscou, mais « l'État ne suit pas toutes les demandes des Orthodoxes », relève-t-il, en citant par exemple le refus d'interdire l'avortement.

Dans les milieux dirigeants, l'Orthodoxie est vue comme une composante fondamentale de l'identité nationale russe et un rempart contre l'influence jugée délétère du monde occidental.

Après la chute de l'URSS, « l'idéologie communiste a cessé d'exister et le vide ne pouvait être comblé que par la religion », a expliqué M. Poutine en juin dernier dans une interview au réalisateur américain Oliver Stone.

Quelque 70 % des Russes se disent orthodoxes, selon les sondages, même si le nombre de pratiquants réguliers est très largement inférieur.

Depuis son arrivée au Kremlin, Vladimir Poutine affiche avec une certaine ostentation son attachement à l'orthodoxie. La télévision le montre régulièrement dans des monastères et lieux saints de Russie. Il s'est par ailleurs rendu à deux reprises au Mont-Athos (Grèce), lieu sacré du monachisme orthodoxe.

L'Église est « le gardien des valeurs morales et spirituelles » du pays, a-t-il souligné en mai dernier, en participant à l'inauguration d'une nouvelle église à Moscou.

Certains s'inquiètent de voir l'Église trop proche du pouvoir politique.

« Ce synode célèbre le 100e anniversaire du rétablissement du Patriarcat en Russie, quand l'Église s'est libérée du contrôle de l'État [tsariste]. Et aujourd'hui, l'Église devient de nouveau dangereusement dépendante de l'État. C'est l'ironie de l'Histoire », observe M. Falikov.

Le synode a été convoqué à l'occasion du centième anniversaire du rétablissement du patriarcat dans l'Église orthodoxe russe, dirigée pendant 200 ans dans l'empire russe par le Saint-Synode, un organisme contrôlé par l'État.