Angela Merkel a entamé jeudi soir des entretiens avec le président des sociaux-démocrates pour tenter de sortir l'Allemagne de la crise politique, dans un contexte alourdi par une controverse autour de l'autorisation du glyphosate.

L'entrevue au sommet entre la chancelière conservatrice et Martin Schulz, qui a lieu à Berlin dans le bureau du chef de l'État Frank-Walter Steinmeier, médiateur dans cette crise, a débuté, comme prévu, vers 20h00 (14h00 HE).

Elle vise à sonder la possibilité d'une alliance en vue de former un nouveau gouvernement. Tant les conservateurs que les sociaux-démocrates devraient attendre vendredi, et des consultations internes, avant de communiquer sur les premiers résultats de la rencontre.

«Pour Merkel, c'est un combat pour sa survie politique qui commence», estime le Spiegel, «Merkel doit tout faire pour forger cette alliance, la seule susceptible de lui assurer un pouvoir stable».

Depuis plus d'un mois, le pays est dirigé par un gouvernement chargé d'expédier les affaires courantes, avec la chancelière conservatrice à sa tête. Et l'incertitude devrait durer jusqu'au printemps.

En cause : les élections législatives de septembre, qui n'ont pas permis de dégager une majorité gouvernementale évidente, puis l'échec dans la foulée d'une tentative de constitution d'un gouvernement hétéroclite à quatre, démocrates-chrétiens de la chancelière (CDU), leur allié bavarois CSU, les Libéraux et les écologistes.

Arithmétiquement, seule une poursuite de l'alliance existante depuis 2013 entre conservateurs et sociaux-démocrates du SPD peut atteindre la majorité absolue.

Après avoir opté pour une cure d'opposition, le SPD a accepté de discuter sous la pression du président allemand, lui-même social-démocrate.

Selon un sondage diffusé jeudi, la majorité des Allemands (61%) sont favorables à l'ouverture de négociations sur le sujet. À défaut, ne resteraient comme issue que de nouvelles élections.

La rencontre de jeudi soir, à laquelle participe aussi le patron de la CSU Horst Seehofer, doit en principe mettre les consultations sur les rails. Mais des négociations sur un possible gouvernement commun ne commenceront au plus tôt qu'en janvier 2018.

Gouvernement minoritaire ?

Le SPD avance à reculons à l'idée de faire perdurer la coalition des deux grands partis rivaux au plan national, de crainte de nourrir par ce biais les extrêmes. Cette alliance a déjà dirigé l'Allemagne à deux reprises depuis 2005.

Du coup, le SPD veut aussi discuter de l'idée de soutenir sur certains dossiers un gouvernement minoritaire des seuls conservateurs de la chancelière, ou de la CDU alliée aux écologistes.

«Il est possible que le pays aboutisse à une constellation que nous n'avons encore jamais connue dans l'histoire» d'après-guerre, a jugé Martin Schulz.

Angela Merkel a jusqu'ici exclu une telle formule, invoquant le besoin de stabilité du pays. «Il y a en Europe de grandes attentes sur des questions urgentes», a argumenté la chancelière.

Les discussions ne commencent pas sous les meilleurs auspices : les sociaux-démocrates ne décolèrent pas depuis que l'actuel ministre de l'Agriculture, un conservateur de la CSU proche des milieux agricoles, a donné son feu vert à Bruxelles à la réautorisation de l'herbicide controversé glyphosate, sans concertation avec le reste de son gouvernement.

Ce coup d'éclat «va sans aucun doute peser sur les négociations» avec les sociaux-démocrates, a convenu un responsable de la CDU, Carsten Linemann.

«Soit Mme Merkel ne tient pas son gouvernement, soit on a voulu porter un coup au SPD», a dit jeudi un responsable social-démocrate, Ralf Stegner.

Sur le ton de la boutade, le chef de l'État a reconnu jeudi s'attendre à une première prise de contact compliquée. Tandis qu'il participait à un salon littéraire, Frank-Walter Steinmeier a lancé : «à mon avis, je suis en train de vivre la partie la plus détendue de ma journée».

Les trois présidents de partis abordent de surcroît ces discussions en position plus faible à la suite des législatives, où tant les conservateurs que les sociaux-démocrates ont enregistré des scores décevants.

Angela Merkel reste critiquée en interne pour sa politique migratoire, Horst Seehofer doit affronter une rébellion à la CSU de rivaux voulant sa place, tandis que Martin Schulz donne l'impression d'être un numéro un en sursis.