L'imam de la grande mosquée de Bruxelles, qualifié par un ministre belge de «très conservateur et dangereux», a obtenu en appel l'annulation de l'arrêté d'expulsion qui le visait, jugé insuffisamment motivé, a annoncé mardi la juridiction administrative d'appel.

Abdelhadi Sewif, de nationalité égyptienne, contestait devant le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) l'ordre de quitter le territoire (OQT) pris le 30 mars sur la base d'un récent rapport des services de renseignement.

Lui étaient reprochées notamment «une approche communautariste de la société» et «une conception rétrograde de l'égalité hommes-femmes», selon le texte de l'arrêt mis en ligne par le CCE.

En évoquant début octobre cette interdiction de séjour, le secrétaire d'État belge à l'Asile et à la Migration Theo Francken, issu de la N-VA (nationalistes flamands), avait dépeint M. Sewif, arrivé en Belgique en 2004, comme «un homme très radicalisé, salafiste, très conservateur et dangereux pour notre société et notre sécurité nationale».

Un point de vue que le CCE a jugé en substance insuffisamment motivé, relevant de «considérations générales».

«Lorsqu'une décision est basée sur l'existence d'une menace pour l'ordre public, l'autorité doit faire apparaître dans sa motivation (...) en quoi le comportement personnel de l'intéressé constitue concrètement une menace», stipule l'arrêt, daté du 24 novembre.

«Des considérations générales sur l'influence du salafisme ne suffisent pas à démontrer, concrètement, en quoi le comportement personnel de cet imam constituerait une «menace actuelle, réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société+», est-il ajouté.

Le secrétaire d'État peut désormais aller en cassation pour faire valoir ses arguments. Ses services «analys(ai)ent l'arrêt du CCE» mardi après-midi avant de prendre une décision, a précisé une source gouvernementale à l'AFP.

L'expulsion de M. Sewif est annulée «au motif que sa dangerosité n'est pas prouvée. C'est l'illustration des difficultés à utiliser le renseignement dans des procédures judiciaire ou administrative», a commenté sur Twitter Claude Moniquet, un expert en terrorisme.

La Grande mosquée de Bruxelles, située dans le parc du Cinquantenaire à proximité des institutions européennes, est un haut lieu de l'islam en Belgique, financé par l'Arabie saoudite.

Au lendemain des attentats djihadistes de Bruxelles, qui ont fait 32 morts le 22 mars 2016, l'islam rigoriste qui y est prêché a été critiqué, parfois même décrit comme un terreau du djihadisme belge, ce dont les responsables des lieux se sont toujours défendus.

Une commission d'enquête parlementaire créée au lendemain des attentats a recommandé fin octobre au gouvernement de rompre la convention ayant confié il y a un demi-siècle la gestion de la grande mosquée à l'Arabie saoudite.