Plusieurs dizaines de milliers de manifestants - 750 000 selon la police - ont empli samedi une avenue du centre de Barcelone, au début d'une marche pour réclamer la remise en liberté de dix dirigeants indépendantistes catalans incarcérés.

Cette mobilisation devait servir de test pour le mouvement indépendantiste, après l'échec de la déclaration unilatérale d'indépendance du 27 octobre et avant des élections cruciales pour la région convoquées le 21 décembre.

Sur les deux banderoles de tête écrites en catalan, on lisait «liberté pour les prisonniers politiques» et «nous sommes une république». Des proches des dirigeants incarcérés marchaient devant.

Selon les images de télévision, les manifestants ont empli toute une avenue débouchant sur la plage de Barcelone. Ils brandissaient des pancartes «SOS démocratie» et de nombreux drapeaux indépendantistes ou scandaient le slogan «liberté».

La manifestation a été convoquée par deux puissantes organisations séparatistes - l'Assemblée nationale catalane (ANC) et Omnium - pour appeler à la remise en liberté de leurs deux dirigeants incarcérés, ainsi que la libération de huit ex-membres du gouvernement catalan destitué à la suite de la déclaration d'indépendance.

Une juge madrilène a ordonné le 2 novembre le placement en détention provisoire des huit «ministres» catalans destitués, dans une enquête pour «sédition», «rébellion» et «détournements de fonds».

Le président de l'exécutif catalan destitué, Carles Puigdemont - visé par un mandat d'arrêt européen à la demande de la justice espagnole - a appelé les indépendantistes à faire entendre une «clameur commune» lors de cette manifestation. Lui-même se trouve à Bruxelles depuis le 30 octobre avec quatre ex-membres de son gouvernement.

Rajoy à Barcelone dimanche

Le rendez-vous, initialement programmé pour le 12 novembre, a été avancé d'un jour pour faire écho au 11 septembre, jour de la fête nationale catalane, la Diada, qui est l'occasion de rassemblements massifs. Les organisateurs espèrent la même affluence que lors de ces rassemblements.

L'influente maire de Barcelone, Ada Colau (gauche), qui n'est pas indépendantiste mais appelle de ses voeux un référendum, a annoncé sa participation. Reste à savoir si sera présente la présidente indépendantiste du parlement catalan Carme Forcadell, libérée sous caution vendredi après une nuit en prison et figure incontournable du mouvement.

L'élue, entendue jeudi par un juge de la Cour suprême avec cinq autres parlementaires catalans dans le cadre d'une enquête pour «rébellion», «sédition» et «malversations», a évité la détention provisoire après s'être engagée à respecter le cadre légal.

Dans son arrêt, le juge Pablo Larrena indique que les élus ont devant lui «renoncé à toute activité politique future», ou dans le cas où ils poursuivraient leur carrière, «renoncé à tout acte hors du cadre constitutionnel».

Les parlementaires ont également relativisé lors de leur audition la portée de la déclaration d'indépendance, en expliquant qu'elle était sans effets juridiques. Une ligne de défense qui pourrait inspirer les autres séparatistes détenus, rapportent plusieurs journaux.

Selon le député Joan Josep Nuet, entendu aux côtés de Mme Forcadell, le juge a montré la «voie d'une désescalade judiciaire», qu'il «faut savoir lire». Le parlementaire, le seul des députés poursuivis à n'avoir pas voté la déclaration d'indépendance, a rejeté l'idée que la présidente de cette assemblée régionale ait commis une «trahison».

À sa sortie de prison, Carme Forcadell elle-même a affirmé qu'elle et les autres députés rentraient «à la maison avec la conscience tranquille».

La déclaration d'indépendance, qui faisait suite au référendum interdit du 1er octobre, a été suivie de la mise sous tutelle de la Catalogne par le gouvernement central, qui a destitué son exécutif, dissous son parlement et convoqué des élections régionales.

Le chef du gouvernement Mariano Rajoy est attendu dimanche à Barcelone pour soutenir les candidats locaux de sa formation, le Partido Popular (PP). Jusqu'alors alliés de Puigdemont dans le gouvernement catalan, le parti de gauche indépendantiste ERC, est donné favori pour ce scrutin par les sondages, même s'il n'aurait pas la majorité absolue et devrait recourir à des alliances.