La justice française a condamné mercredi sept «antifascistes», dont un militant dans le viseur des renseignements et un Suisse en fuite, après l'attaque retentissante d'une voiture de police, incendiée à Paris en mai 2016.

La peine la plus lourde, sept ans de prison ferme, a été prononcée contre le Suisse Joachim Landwehr, en fuite. Il a incendié la voiture de police avec un fumigène.

Déjà condamné pour violences dans le passé, Antonin Bernanos, un descendant de l'écrivain Georges Bernanos devenu au fil du procès une figure pour la mouvance d'extrême gauche, a été condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis.

Epilogue d'un procès sous haute tension, la décision a été accueillie aux cris de «Tout le monde déteste la justice» par une quarantaine de militants. Ils ont été rapidement évacués du palais de justice, où avait été déployé un dispositif de sécurité inédit, mais dans la soirée, un groupe d'environ 200 personnes s'est rassemblé dans le centre de Paris à l'appel de collectifs «antifascistes».

Aux cris de «Pas de justice, pas de paix» ou «Flics violeurs assassins», certains militants pour la plupart cagoulés et masqués, sont partis en manifestation sauvage, renversant des poubelles et dégradant des vitrines sur leur passage.

Le président du tribunal a commencé la lecture du jugement par la relaxe de deux jeunes hommes, dont le frère d'Antonin Bernanos.

Puis le ton s'est durci pour décrire la «véritable scène de guérilla urbaine» du 18 mai 2016 sur le quai de Valmy, lorsqu'une voiture de police, avec deux fonctionnaires à bord, est encerclée par des personnes masquées et vêtues de noir, en marge d'une manifestation.

Les vitres volent en éclats sous le coup de plots métalliques. Un policier est frappé, à coups de poing lorsqu'il est encore dans sa voiture, à coups de barre métallique ensuite. La voiture s'embrase. Les images deviennent virales et le Premier ministre Manuel Valls réclame des sanctions «implacables».

Le tribunal a ordonné le maintien en détention de l'Américaine transgenre Kara Brault et d'Ari Rustenholz, respectivement condamnés à quatre ans de prison et cinq ans de prison, assortis pour moitié du sursis.

Tous deux ont brisé des vitres du véhicule alors que deux policiers se trouvaient à l'intérieur.

«Parce qu'il était policier» 

Le tribunal est resté en deçà des réquisitions et les autres prévenus ont échappé, eux, à la détention, au moins dans l'immédiat.

Par exemple Nicolas Fensch, informaticien quadragénaire dont l'allure sage et les remords tranchent avec le reste des prévenus : cinq ans de prison dont la moitié assortie du sursis, une peine aménageable, pour avoir frappé un policier avec une barre de fer.

Un prévenu a été condamné à douze mois avec sursis, un autre, jeune ouvrier, a écopé de deux ans, dont un avec sursis, pour des coups de pied à la voiture et pourra également bénéficier d'un aménagement.

La situation est plus compliquée pour Antonin Bernanos, dans le viseur des renseignements depuis des années.

Pour le président, c'est bien l'étudiant de 23 ans qui a frappé à coups de poing un policier assis dans sa voiture, avant de briser la lunette arrière.

Il s'est appuyé sur le témoignage controversé d'un policier anonyme, et sur un faisceau d'indices allant de la couleur d'un caleçon à des bagues pour trouver une «corrélation parfaite entre l'auteur des faits» et Bernanos.

«Vous vous en êtes pris à un policier parce qu'il était policier, un peu comme d'autres s'en prennent à un Noir parce qu'il est Noir», lance-t-il.

Antonin Bernanos, qui conteste les faits, est condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis, sans «mandat de dépôt»: il ne part pas tout de suite en prison.

En sortant, son avocat Arié Alimi a déploré que «la politique soit entrée dans la sphère judiciaire».

Pour une jeune fille venue soutenir les prévenus, «ils veulent éteindre la contestation mais ça aura peut-être l'effet inverse».