Européens et Britanniques se sont renvoyé la «balle» lundi concernant la responsabilité de l'enlisement des négociations sur leur divorce, au premier jour d'un cinquième round de tractations à Bruxelles.

Les équipes de négociateurs se sont retrouvées lundi après-midi au siège de la Commission européenne pour lancer cette session, qui devrait être ponctuée jeudi par une conférence de presse commune des deux chefs de délégation.

Mais contrairement à la pratique des derniers mois, le négociateur en chef de l'UE Michel Barnier et son homologue britannique David Davis n'ont pas prévu de se rencontrer lundi pour lancer ce round, le dernier programmé avant le Conseil européen des 19-20 octobre.

Dans le calendrier idéal des négociations, ce sommet devait marquer une étape cruciale, avec la perspective pour les dirigeants européens d'y accepter l'ouverture de tractations sur les relations commerciales avec Londres après le Brexit. Mais à condition que des «progrès suffisants» soient actés par l'UE sur les conditions du divorce, prévu fin mars 2019.

«La balle est dans leur camp», dira lundi après-midi Theresa May devant la Chambre des Communes, selon ses services. «Mais je suis optimiste sur le fait que nous recevrons une réponse positive», ajoutera-t-elle, en appelant les Européens à être «souples» pour lancer la seconde phase des négociations, que les Britanniques réclament avec impatience.

«Ce n'est pas exactement un jeu de balle», lui a déjà répondu le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas, mais «la balle est totalement dans le camp du Royaume-Uni», a-t-il ajouté, renvoyant au «séquençage clair» des négociations.

Les dirigeants des 27 pays restant dans l'UE exigent en effet des avancées dans trois dossiers prioritaires liés à la séparation - le règlement financier du divorce, le sort des expatriés et les conséquences du Brexit pour l'Irlande - avant d'accepter d'évoquer la relation future.

L'ombre de Boris

«Nous n'avons pas encore réalisé aujourd'hui sur ces trois sujets les «progrès suffisants» pour entamer en toute confiance la deuxième phase de négociation», a prévenu M. Barnier le 3 octobre devant le Parlement européen, qui a fait le même constat dans une résolution votée à une écrasante majorité.

«D'ici à la fin d'octobre, nous n'aurons pas de progrès suffisants (...) sauf miracle», a même lancé sans détour le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors d'un sommet informel à Tallinn fin septembre, semblant placer peu d'espoirs dans le cinquième round des négociations.

Les Européens sont d'autant plus pessimistes qu'ils s'inquiètent des conséquences pour les négociations de la fragilité de Theresa May, illustrée par son discours cauchemardesque mercredi devant son parti, émaillé de fréquentes quintes de toux.

En pleine crise de leadership, la dirigeante conservatrice avait aussi été interrompue par un humoriste venu lui remettre un formulaire de licenciement «de la part de Boris Johnson», son ministre des Affaires étrangères qui défie son autorité en prônant un Brexit plus «dur».

«Les déclarations de Johnson lors de la préparation et pendant la conférence du parti conservateur ont condamné la perspective d'une solution au Conseil européen d'octobre», estime Mujtaba Rahman, analyste au sein du think tank Eurasia, jugeant que le ministre avait «érodé la confiance des 27».

Pour un diplomate européen, «le problème de Theresa May, c'est qu'elle doit toujours parler à deux auditoires à la fois: l'aile «hard Brexit» de son parti qu'elle doit rassurer, et les Européens, à qui elle doit assurer qu'elle se place bien dans un moule de négociation».

«Divergences sérieuses»

L'UE avait elle-même salué le «ton constructif» et la «nouvelle dynamique» impulsée aux négociations par le discours de Mme May le 21 septembre à Florence, où elle avait proposé une période de transition post-Brexit de deux ans et promis que son pays allait «honorer» ses engagements financiers vis-à-vis de l'UE.

Mais «il nous reste des divergences sérieuses, en particulier sur le règlement financier», avait ensuite recadré M. Barnier devant le Parlement européen.

Le solde de tout compte que devra verser le Royaume-Uni pour honorer ses engagements financiers au sein de l'UE est officieusement évalué côté européen entre 60 et 100 milliards d'euros, selon les sources.

Les négociateurs européens ne demandent pour l'instant pas d'engagement chiffré à Londres, mais un accord de principe sur une méthode de calcul, encore loin d'être atteint.

Les moyens de garantir après le Brexit les droits des citoyens européens au Royaume-Uni restent une autre pomme de discorde. Londres et Bruxelles n'ont pour l'heure pas réussi à s'accorder sur le rôle que pourra jouer à cet égard la Cour de justice de l'UE (CJUE).