Les dirigeants indépendantistes de Catalogne ont relancé la mise mercredi en annonçant qu'ils allaient proclamer leur indépendance dans les prochains jours, malgré la mise en garde sans précédent du roi Felipe VI qui les a accusés de se montrer «déloyaux».

Depuis le «référendum d'autodétermination» organisé dimanche en Catalogne, marqué par des violences policières, Madrid et Barcelone n'ont cessé de durcir le ton. Dans cette crise, la plus grave depuis la tentative de putsch de 1981, aucun des deux camps ne semble prêt à céder du terrain.

Galvanisé par le référendum qu'il estime avoir remporté, une grève générale et des manifestations qui ont réuni mardi 700 000 personnes à Barcelone contre les violences, le président du gouvernement catalan Carles Puigdemont doit s'exprimer à 21h00 (15h00 à Montréal).

Il a auparavant assuré que son gouvernement s'apprêtait à déclarer l'indépendance «à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine».

«Nous allons déclarer l'indépendance 48 heures après le décompte des résultats officiels» du référendum, a-t-il dit à la BBC.

La crise catalane doit aussi être abordée mercredi lors d'un débat au Parlement européen.

D'après les résultats provisoires, le oui à l'indépendance l'a emporté avec 90% des votants dans ce scrutin sans liste électorale et sans observateurs.

Dans sa première réaction mardi soir au vote, une allocution d'une fermeté inédite, le roi Felipe VI a accusé le gouvernement régional catalan d'avoir bafoué «de façon répétée (...) et délibérée» la Constitution et de «mettre en danger la stabilité» de la Catalogne et de toute l'Espagne.

Il a fustigé les dirigeants catalans et leur «déloyauté inadmissible».

Son discours, martelant qu'il est de «la responsabilité des pouvoirs légitimes de l'État d'assurer l'ordre constitutionnel», ouvre la voie à de nouvelles mesures du gouvernement de Mariano Rajoy contre les dirigeants indépendantistes.

«Huile sur le feu»

M. Rajoy, silencieux depuis dimanche soir, n'avait pas réagi mercredi à la mi-journée. Mais il pourrait notamment invoquer l'article 155 de la Constitution, jamais encore utilisé, qui permet de prendre le contrôle des institutions catalanes.

Un groupe de Catalans anti-indépendantistes, appuyé par le Parti populaire (conservateur) au pouvoir à Madrid, a appelé «tous les Catalans qui ne sont pas d'accord» à manifester dimanche à Barcelone.

Pour sa part, le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull a accusé le roi d'avoir «jeté de l'huile sur le feu» avec son discours.

La première réaction de l'État après l'allocution royale a été la convocation «en vue de leur inculpation» du chef de la police catalane Josep Lluis Trapero ainsi que d'une de ses subalternes et des dirigeants des deux principales associations indépendantistes, dans le cadre d'une «enquête pour sédition».

L'enquête porte sur des faits survenus le 20 septembre, lorsque l'arrestation de 14 hauts responsables de l'exécutif séparatiste catalan avait provoqué d'importantes manifestations à Barcelone. La police catalane a été accusée d'avoir tardé à intervenir pour dégager des Gardes civils encerclés dans un bâtiment après une perquisition.

La sédition est passible de quinze ans de prison pour un fonctionnaire.

Les Mossos d'Esquadra, que dirige M. Trapero, ont rétorqué sur Twitter qu'ils n'avaient fait qu'«obéir aux ordres de la justice et du parquet».

Avant le référendum, le procureur général d'Espagne n'avait pas non plus exclu l'arrestation de Carles Puigdemont.

«Plus notre roi»

Jusqu'à présent, M. Puigdemont et son équipe ont résisté à toutes les pressions du gouvernement de Madrid, ignorant les décisions de justice et préparant en secret le référendum que celui-ci avait juré d'empêcher.

Les images des interventions brutales de policiers casqués pour fermer des bureaux de vote, faisant au moins 92 blessés, ont fait le tour de la planète et indigné les Catalans de tous bords.

Le gouvernement catalan «a l'initiative, et le gouvernement central court derrière en essayant maladroitement de boucher les trous», a estimé Antonio Torres del Moral, professeur de droit constitutionnel à l'Université d'enseignement à distance (UNED).

Une grande majorité de Catalans (80% selon les sondages) souhaite un référendum légal. En revanche ils sont partagés sur la sécession: le dernier sondage des autorités catalanes, publié en juillet, montrait que les adversaires de l'indépendance restaient plus nombreux que ses partisans (49,4% contre 41,1%).

Mais les violences policières ont creusé le fossé entre Madrid et cette région où vivent 16% des Espagnols et le discours du roi a été mal reçu à Barcelone.

«Il sait déjà qu'il n'est plus notre roi. Il parle comme si nous ne faisions plus partie de l'Espagne», a martelé Trinidad Garcia, éducatrice de 49 ans.

La crise influait sur la bourse espagnole. L'indice Ibex 35 abandonnait 2,30% à la mi-journée et les banques catalanes CaixaBank et Banco de Sabadell perdaient respectivement 6,22% et 6,34%.