Un pasteur, des «mamas» et une cinquantaine de victimes: la police française a démantelé un réseau de prostitution nigériane qui sévissait dans la région de Lyon.

Après 15 mois d'enquête, les policiers ont interpellé en début de semaine 16 personnes à Lyon, au Havre et à Nîmes, a-t-on appris auprès de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) de la police judiciaire.

Deux autres personnes ont été interpellées au Portugal et en Italie. Elles étaient chargées de faire passer en France les jeunes Nigérianes en transit depuis la Libye.

Une cinquantaine de victimes ont été identifiées mais «il y en a certainement beaucoup plus», a estimé Jean-Marc Droguet, le patron de l'OCRTEH. «Il n'y a pas de mineure», a-t-il ajouté.

À la tête de ce système «très pyramidal», «un pasteur de confession évangélique», qui prêchait notamment à Montpellier, gérait les «mamas» qui, elles, «s'occupaient des filles», a-t-il expliqué.

Les enquêteurs estiment à une trentaine le nombre de camionnettes dans lesquelles les jeunes femmes étaient forcées de se prostituer dans le quartier Gerland de Lyon.

Lorsqu'elles arrivaient en France, elles se voyaient assigner une dette de 30 000 euros qu'elles devaient rembourser. «Cela leur laisse penser qu'elles s'en sortiront un jour», a expliqué M. Droguet. À cette somme s'ajoutaient des frais d'hébergement et des facturations diverses dont celle des camionnettes, payées 50 euros la nuit.

L'argent récolté par le réseau, entre 100 000 et 150 000 euros par mois, repartait «très rapidement» vers le Nigeria, les enquêteurs n'ayant saisi que 22 000 euros, a-t-il poursuivi.

Onze interpelés ont été inculpées et incarcérées jeudi, les autres étaient encore en détention.

«On a le sentiment que ces réseaux se structurent», a commenté Jean-Marc Droguet, rappelant que la prostitution nigériane est «très active sur le territoire national, dans les grandes agglomérations».

Le Nigeria, géant de plus de 190 millions d'habitants, détient le triste record du nombre de migrants africains arrivés par bateau sur les côtes italiennes. En 2016, ils étaient 37 500, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui note une explosion du trafic de femmes (433 nigérianes en 2013, près de 5000 en 2014, derniers chiffres disponibles), et remarque une «augmentation importante du nombre de mineures, facilement manipulables».

«La grande majorité d'entre elles étaient destinées à l'exploitation sexuelle», note l'OIM.