La Turquie, membre important de l'OTAN, a signé avec la Russie un contrat portant sur l'achat de systèmes de défense antiaérienne S-400, a affirmé le président Recep Tayyip Erdogan, en dépit de l'inquiétude des États-Unis.

«Les signatures ont été faites pour l'achat de systèmes S-400 à la Russie», a déclaré le président turc, cité mardi par plusieurs journaux dont le quotidien Hürriyet, ajoutant : «Un acompte a également été versé pour autant que je le sache».

Le président russe Vladimir Poutine «et moi-même sommes déterminés sur cette question», a-t-il poursuivi, dans des déclarations à la presse à bord de l'avion qui le ramenait d'un déplacement au Kazakhstan.

Les déclarations de M. Erdogan sur cet accord d'armement, dont le montant n'a pas été dévoilé, risquent de renforcer l'inquiétude déjà vive des alliés de la Turquie au sein de l'OTAN.

Le Pentagone avait déjà tiré la sonnette d'alarme fin juillet, affirmant sans ménagement que «généralement, c'est plutôt une bonne idée pour des alliés d'acheter du matériel» compatible avec les systèmes d'armement de l'OTAN.

«Nous prenons seuls les décisions relevant de notre indépendance», a déclaré M. Erdogan. «Nous sommes obligés de prendre des mesures de sécurité et de défense pour défendre notre pays».

Le président turc a indiqué que la prochaine étape concernait le transfert d'un crédit russe à la Turquie afin de financer ce contrat.

«Intérêts stratégiques»

Moscou a également confirmé l'accord : «Le contrat a été signé et on se prépare à le mettre en oeuvre», a déclaré à l'agence de presse russe TASS Vladimir Kojine, conseiller pour la coopération militaire et technique du Kremlin.

M. Kojine a expliqué que «les S-400 sont un des systèmes les plus compliqués, composé d'un ensemble de matériels techniques», d'où un grand nombre de «subtilités» à régler.

Un système S-400 comprend plusieurs stations radars, ainsi que des missiles de diverses portées et des équipements de maintenance.

«Je peux seulement dire que toutes les décisions prises sur ce contrat correspondent à nos intérêts stratégiques», a-t-il poursuivi, ajoutant comprendre «très bien la réaction de certains de nos partenaires occidentaux qui essaient de faire pression sur la Turquie».

La signature de cet accord est le dernier signe en date du réchauffement des relations entre Moscou et Ankara, après une grave crise diplomatique causée par la destruction d'un bombardier russe par la Turquie au-dessus de la frontière syrienne en novembre 2015.

Les experts voient dans l'accord sur les S-400 un signe de mécontentement envoyé à l'Occident par les deux pays.

Tandis que la Turquie reste un membre-clé de l'OTAN, ses relations avec les États-Unis sont particulièrement tendues du fait de la décision américaine de soutenir des milices kurdes syriennes considérées comme «terroristes» par Ankara pour lutter contre le groupe État islamique (EI).

Mais si Moscou en Ankara se sont rapprochés notamment sur le dossier en Syrie, les deux pays restent profondément opposés sur plusieurs questions, notamment sur le sort du président syrien Bachar al-Assad, ou encore sur le traitement des Tatars de Crimée.

Ainsi, Ankara a réclamé mardi l'annulation de la condamnation à huit ans de prison par la justice russe d'Akhmet Tchiïgoz, un représentant des Tatars de Crimée, une communauté musulmane majoritairement opposée à l'annexion de la Crimée par la Russie.

M. Tchiïgoz, ancien vice-président du Medjlis, l'assemblée des Tatars de Crimée, a été reconnu coupable par la justice russe d'avoir organisé des «troubles massifs» en février 2014, quelques semaines avant l'annexion de la péninsule ukrainienne par la Russie.

«Ce verdict ajoute aux souffrances des Tatars de Crimée qui expriment leurs inquiétudes quant aux événements en Crimée de manière pacifique», a déclaré le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hüseyin Müftüoglu, dans un communiqué.