Plus d'un millier de personnes se sont rassemblées lundi midi à Londres devant le Parlement pour écouter religieusement les douze derniers coups sonnés par Big Ben avant un silence forcé de quatre ans pour rénovation, qui provoque un fort mécontentement.

« J'ai vécu ma vie à côté d'elle. Nous perdons une partie de Londres », a confié à l'AFP Denise Wiand, qui vit de l'autre côté de la Tamise. « J'ai 72 ans et je crains que ce soit la dernière fois que je l'entends! C'était très émouvant ».

Dans une ambiance solennelle, touristes, habitants et même députés ont écouté en silence les derniers « bongs », avant d'applaudir une fois le douzième coup sonné.

« La foule écoutait vraiment attentivement. Nous sommes là, nous voulons entendre le moindre son. C'est presque un moment historique », a déclaré à l'AFP Thomas Moser, un touriste allemand de 54 ans.

Haute de 96 mètres, la tour victorienne du palais de Westminster, un des monuments les plus photographiés du Royaume-Uni, doit subir une cure de jouvence de 29 millions de livres (31,7 millions d'euros).

Big Ben, l'imposante cloche de 13,7 tonnes, va être déconnectée et ne sonnera plus les heures comme elle l'a fait depuis 158 ans presque sans discontinuer, accompagnée d'un carillon de quatre cloches plus petites pour les quarts d'heure.

L'horloge continuera néanmoins de fonctionner grâce à un mécanisme électrique de substitution, et au moins un de ses quatre cadrans restera toujours visible au public.

« Stabilité, solidité, continuité »

« C'est comme si elle nous disait au revoir », a déclaré le député travailliste Stephen Pound, sorti spécialement du Parlement pour assister à ce moment.

Alors que les négociations du Brexit ont ouvert une période d'incertitude pour les habitants du Royaume-Uni, la population semble particulièrement attachée à ses symboles nationaux.

« Je suis vraiment triste », a ajouté M. Pound. « Le monde est devenu inquiétant, dangereux, effrayant. Le son de cette cloche représentait la stabilité, la solidité, la continuité ».

Selon le calendrier actuel des travaux, Big Ben ne devrait sonner que pour le Remembrance Day, jour de commémoration des soldats britanniques tombés au combat, en novembre, et pour le Nouvel An.

« C'était comme une minute de silence », a estimé le député conservateur Peter Bone, qui fait partie d'un groupe d'élus ayant demandé à ce que la célèbre cloche puisse également résonner le 19 mars 2019, qui doit marquer la sortie du Royaume Uni de l'Union européenne.

« Il est absolument essentiel que la cloche sonne pour célébrer le retour du pouvoir à Westminster », a-t-il martelé.

Ces derniers jours, plusieurs élus s'étaient indignés des quatre ans de silence imposé à cet emblème national. La première ministre Theresa May était intervenue en exigeant des responsables de la Chambre des Communes qu'ils modifient le calendrier des travaux.

Marche arrière?

Mais pour Steve Jaggs, le gardien de la Grande horloge, cette opération de rénovation est essentielle.

« Nous parlons d'un des symboles internationaux de la démocratie. Nous nous devons de le préserver, afin que les générations futures puissent continuer à l'admirer », a-t-il expliqué.

D'autant que ces travaux sont probablement les plus importants jamais entrepris sur la tour, selon Tom Brake, le député responsable de la commission pour la conservation du Parlement.

« Il s'agit d'un édifice qui appartient au patrimoine mondial, il doit être maintenu selon certaines normes », a-t-il indiqué.

Face aux réactions virulentes, le Parlement avait néanmoins annoncé dans un communiqué qu'il pourrait faire marche arrière.

« À la lumière des inquiétudes exprimées par un certain nombre de députés, la commission de la Chambre des Communes va réévaluer la durée pendant laquelle les cloches resteront silencieuses », avait déclaré un porte-parole mercredi.

Selon un sondage de l'institut YouGov, les Britanniques penchent plutôt (44 %) pour la mise sous silence de Big Ben pendant les travaux, sauf occasions spéciales, que pour une solution permettant de la maintenir en activité.