Les principaux protagonistes russes de l'affaire des courriels du fils aîné du président américain Donald Trump démentent avoir participé en 2016 à une opération ayant visé à proposer à l'équipe de campagne de Trump des dossiers compromettants pour discréditer Hillary Clinton.

Dans des courriels échangés en juin 2016 avec Donald Trump Jr, un Britannique, Rob Goldstone, affirme pouvoir aider l'équipe Trump à discréditer sa rivale démocrate avec des dossiers russes compromettants fournis par Iouri Tchaïka, le très puissant procureur général de Russie.

Ancien journaliste de tabloïd, agent d'artistes et ami des Trump, Rob Goldstone assurait avoir été contacté par Emin Agalarov, un chanteur russe dont le père, Aras, est un milliardaire ayant fait fortune dans le BTP et l'immobilier. C'est au cours d'une rencontre avec Aras Agalarov que Iouri Tchaïka a proposé les services de la Russie, selon les propos de Rob Goldstone.

«Ce sont évidemment des informations de très haut niveau et sensibles, mais qui font partie du soutien de la Russie et de son gouvernement à M. Trump», écrit Rob Goldstone. «S'il s'agit bien de cela, j'adore...», a répondu Donald Trump Jr.

Mais depuis 48 heures, la riposte s'organise.

«Ce sont des inventions ! Je ne sais pas qui les (les informations, NDLR) a inventées et ce que Hillary a à voir avec ça», a déclaré Aras Agalarov dans un entretien avec la radio russe Business FM.

Il dément aussi être un ami de Rob Goldstone. «Je ne le connais pas vraiment. Il a travaillé avec Emin à une période comme manager, il faisait de la promotion aux États-Unis ou quelque chose comme ça», a-t-il déclaré.

M. Agalarov a par ailleurs précisé ne pas connaître le fils aîné de Donald Trump. «C'est Emin qui le connaît, pas moi. Nous avions organisé le concours de Miss Univers ensemble (à Moscou en 2013) et des contacts ont eu lieu à cette époque», a-t-il expliqué.

En 2013, le concours de Miss Univers, organisé par Donald Trump dans la capitale russe, avait eu lieu dans une salle de spectacle gérée par Crocus Group, la holding d'Aras Agalarov. De nombreuses photos d'accolades entre l'actuel président américain et le milliardaire ont été publiées, Donald Trump allant jusqu'à apparaître dans un clip musical d'Emin Agalarov.

En publiant ces courriels, le fils aîné de Donald Trump a aussi admis avoir rencontré une avocate russe, Natalia Vesselnitskaïa, qui lui avait été présentée par Rob Goldstone comme une «avocate du gouvernement russe».

Mais celle-ci a nié tout lien avec le Kremlin dans un entretien avec la chaîne américaine de télévision NBC.

L'affaire Magnitski

Le Kremlin a été obligé de se défendre en assurant n'avoir «jamais été en contact» avec Mme Vesselnitskaïa et en qualifiant d'«absurde» le fait que le fils Trump ait pu considérer Natalia Vesselnitskaïa comme une émissaire du président Vladimir Poutine ou du gouvernement russe.

Cette avocate de 42 ans est notamment l'avocate de la société Prevezon Holdings qui appartient à Denis Katsyv, fils de Piotr Katsyv, vice-président de la compagnie des chemins de fer russes (RJD) et ancien haut responsable de la région de Moscou.

En juin 2016, Prevezon Holding a été poursuivie aux États-Unis pour blanchiment d'argent dans le cadre de l'affaire Magnitski. Une loi américaine, ayant le nom de cet avocat mort en prison après avoir dénoncé un scandale financier en Russie, prévoit en effet des sanctions financières contre les fonctionnaires russes soupçonnés d'être impliqués dans sa mort.

En rétorsion, Moscou a adopté une loi interdisant les adoptions d'enfants russes par des citoyens américains. Natalia Vesselnitskaïa a aussi fait du lobbying en Europe et aux États-Unis contre les sanctions occidentales imposées à la Russie dans le cadre de l'affaire Magnitski.

Or, selon Donald Trump Jr, c'était bien de la loi Magnitski et de l'adoption d'enfants que l'avocate souhaitait lui parler. Natalia Vesselnitskaïa a de son côté déclaré à NBC que ses interlocuteurs pendant ce rendez-vous «voulaient vraiment» des informations sur Hillary Clinton, qu'elle n'était pas en mesure de leur fournir.

En tant que procureur général de Russie, Iouri Tchaïka a lui-même été impliqué dans l'affaire Magnitski. En décembre 2015, l'opposant Alexeï Navalny a accusé dans un film documentaire ses fils d'avoir amassé illégalement une grande fortune en se servant de l'autorité de leur père.

Le procureur général russe avait alors affirmé que ce film avait été commandité par le Britannique d'origine américaine Bill Browder, patron du fonds d'investissement Hermitage Capital où travaillait Sergueï Magnitski. En pleine polémique, Aras Agalarov était venu au secours de Iouri Tchaïka en faisant paraître une tribune dans le quotidien Kommersant.