L'Allemagne doit rejoindre en principe vendredi la majorité des pays occidentaux en légalisant par un vote des députés le mariage gai, après qu'Angela Merkel a abandonné son opposition de principe sous pression de l'opinion.

La chancelière aurait préféré un vote lors de la prochaine législature seulement, après les législatives de fin septembre, le temps pour son parti conservateur, divisé sur la question, d'en débattre.

Mais après avoir annoncé lundi qu'elle laisserait ses députés voter librement sur le sujet, elle s'est faite imposer un vote immédiat à la chambre des députés par son partenaire minoritaire de la coalition gouvernementale.

Le parti social-démocrate, qui tente de rattraper son lourd retard dans les sondages sur Angela Merkel en vue des législatives, a demandé un vote ce vendredi.

Pour la dernière session avant les vacances parlementaires, les députés doivent d'abord en tout début de séance voter sur l'inscription formelle à l'ordre du jour d'une proposition de loi légalisant le mariage pour tous.

Les conservateurs d'Angela Merkel s'y opposent, mais ils sont minoritaires au Bundestag face aux trois partis de gauche représentés, dont le SPD.

Et si le vote a bien lieu, l'approbation du mariage des personnes de même sexe, qui prévoit d'accorder avant la fin de l'année aux homosexuels les mêmes droits matrimoniaux que les hétérosexuels, ne fait pas de doute. Une partie des députés conservateurs y sont sur le fond favorables et ajouteront leurs voix à celles de la gauche.

L'Allemagne va ainsi rejoindre les vingt pays occidentaux, dont 13 en Europe, qui ont déjà légalisé le «mariage homo».

Berlin avait déjà adopté en 2001 une union civile offrant des droits équivalents au mariage, sauf en matières fiscale et d'adoption.

«Chaud au coeur»

«C'est une très bonne surprise», se réjouit Christophe Têtu, homosexuel de 46 ans, qui vit à Berlin. «C'est vraiment une reconnaissance, donc c'est quelque chose qui fait chaud au coeur», explique à l'AFP le quadragénaire à la veille du vote.

«Si le mariage s'ouvre aux homosexuels, ça me rendrait très heureux», poursuit son compagnon Timo Strobel, 51 ans.

Mais «je ne suis pas très content de la manière dont ça a été utilisé dans la campagne électorale», s'agace le quinquagénaire, qui soupçonne Angela Merkel d'avoir agi à des fins politiques en levant son veto et pas par conviction.

Elle «a longtemps argumenté contre cette loi, souvent de manière émotionnelle, jamais avec des arguments fondés», estime Markus Ulrich, porte-parole de l'association de soutiens aux homosexuels LSVD.

Mais si maintenant elle y est favorable, «c'est très bien, et même si c'est uniquement une question de campagne électorale, cela nous est complètement égal», explique-t-il.

Volte-face

L'opinion allemande est largement favorable au mariage gai (près de 75% des Allemands sont pour, et plus de 73% des électeurs de Mme Merkel, selon un sondage récent), mais la volte-face de la chancelière a des raisons surtout politique.

Ses partenaires de coalition potentiels après les législatives, à gauche comme à droite, ont fait de la légalisation un préalable à toute alliance.

Et pour la chancelière, une adoption à trois mois des élections lui permet de couper l'herbe sous le pied de ses rivaux sociaux-démocrates en les privant dans la dernière ligne droite d'un argument de campagne.

Il reste que le calendrier accéléré imposé par le SPD la place en position délicate vis-à-vis de l'aile la plus traditionaliste de sa famille politique, qui se sent brusquée.

Pour le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, la CDU, la formation de Mme Merkel, «semble vouloir jeter par-dessus bord toutes les valeurs conservatrices afin de coller à l'époque» et n'a plus rien d'un «parti conservateur».

«Je ne comprends pas qu'une telle décision soit transformée en conflit partisan» par le SPD, «je trouve cela triste et totalement inutile», s'est agacée la chancelière.

Désormais, seuls les populistes de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), absents au Bundestag, restent opposés au mariage gai.