Après plus de 35 ans de militantisme, l'ancien Premier ministre français Manuel Valls a annoncé mardi son départ du parti socialiste, nouveau symptôme de la décomposition de cette formation politique longtemps incontournable qui se bat désormais pour sa survie.

«Une partie de ma vie politique s'achève. Je quitte le Parti socialiste, ou le Parti socialiste me quitte», a déclaré sur la radio RTL M. Valls, qui vient d'être élu député sans étiquette.

Âgé de 54 ans, Manuel Valls a rejoint dès 17 ans les rangs du PS, qui a alors le vent en poupe. Un an plus tard, en 1981, son candidat François Mitterrand remportait la présidentielle, ramenant la gauche au pouvoir en France pour la première fois depuis deux décennies.

Cruel contraste avec la situation actuelle. Après avoir vu son candidat éliminé avec 6,3 % des voix dès le premier tour de la présidentielle fin avril - son plus mauvais score depuis 1969 - , le parti socialiste vient de subir une claque aux élections législatives, avec seulement 30 députés élus contre 280 dans l'Assemblée sortante.

Devant cette déroute historique, le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis, a annoncé le soir même sa démission. «La gauche doit tout changer, la forme comme le fond, ses idées comme ses organisations», a-t-il estimé.

Le départ de Manuel Valls, qui a évoqué mardi sa «tristesse» et son «amertume» de voir «ce qu'est devenu» le PS, n'est pas une surprise.

L'ex-premier ministre du président socialiste François Hollande de 2014 à 2016 était en rupture de ban depuis plusieurs mois avec sa formation politique, écartelée entre des tendances divergentes.

De l'immigration au temps de travail, cet Espagnol naturalisé français à l'âge de vingt ans a toujours joué la carte de la transgression, au risque d'exaspérer l'aile gauche de son propre parti.

Ce social-libéral, qui prône rupture et réformisme, voulait changer dès 2007 le nom du parti socialiste, dépassé selon lui.

Ministre de l'Intérieur à poigne de 2012 à 2014, il a ensuite piloté le virage économique libéral voulu par François Hollande, suscitant un vent de fronde au sein des députés socialistes.

Constatant les «divisions» du parti, il avait théorisé l'existence de «positions irréconciliables» en son sein, entre une gauche réaliste, prête à gouverner, et une gauche «utopiste» qui en serait réduite à s'opposer.

«Fin d'une histoire»

Sèchement battu aux primaires de son parti en janvier, Manuel Valls s'était rangé à contre-coeur derrière le candidat choisi, Benoît Hamon, beaucoup plus à gauche que lui.

Mais fin mars, il avait franchi le Rubicon en annonçant qu'il voterait dès le premier tour de la présidentielle pour le centriste Emmanuel Macron, s'attirant des accusations de trahison.

Après la débâcle socialiste à la présidentielle, Manuel Valls avait été l'un des premiers à prononcer l'oraison funèbre du PS.

«C'est la fin d'une histoire», avait lâché l'ancien Premier ministre. «Ceux qui sont en désaccord, notamment sur l'Europe, sur l'économie, sur l'entreprise, sur les questions de sécurité, peuvent-ils encore être dans la même famille politique ? Personnellement je ne le crois pas».

Candidat sans étiquette aux élections des 11 et 18 juin dans le département de l'Essonne, en région parisienne, il a été élu de justesse face à une candidate de gauche radicale qui était soutenue par Benoît Hamon.

À l'Assemblée nationale, M. Valls entend désormais siéger au côté du groupe du parti présidentiel La République en Marche, largement majoritaire, sans en être toutefois membre formellement.

De l'autre côté de l'hémicycle, les députés socialistes ont décidé d'afficher «clairement» leur appartenance à «l'opposition» au gouvernement du premier ministre Edouard Philippe.

Mais, signe de la désorientation du parti, ils sont divisés sur la conduite à tenir lors du vote de confiance au gouvernement, le 4 juillet. Vote contre ? Abstention ?

«On ne converge pas en deux jours, quand on a mis des années à se déchirer. (...) N'attendez pas de miracle. Il n'y en aura pas», a reconnu le président du groupe Olivier Faure.