L'Allemagne se dirige vers l'autorisation du mariage gai avec un vote des députés qui pourrait intervenir dès vendredi après que la chancelière Angela Merkel, sous pression de l'opinion avant les élections de septembre, a opéré une volte-face.

La dirigeante conservatrice s'est retrouvée dos au mur mardi après avoir fait savoir la veille au soir, à la surprise générale, qu'elle ne s'opposait plus sur le principe au mariage des personnes de même sexe.

Son partenaire minoritaire au sein de la coalition gouvernementale, le parti social-démocrate (SPD), a immédiatement saisi l'occasion pour demander un vote à la chambre des députés dès que possible, prenant visiblement de court Angela Merkel.

Vote dès vendredi ?

Selon des sources au sein de son parti démocrate-chrétien (CDU) citées par l'agence dpa, le vote pourrait intervenir dès vendredi lors de la dernière session parlementaire avant la pause d'été.

Une proposition de loi en ce sens existe depuis déjà longtemps, mais elle bloquée à ce jour par les élus de la chancelière, qui jusqu'ici refusait de prendre le risque de froisser la frange la plus conservatrice de son électorat ainsi que son allié bavarois, la CSU, très traditionaliste sur les questions de société.

Un feu vert des députés ne fait guère de doute si le vote est bien organisé: une partie des députés de la CDU y est en effet favorable et leurs voix s'ajouteraient à celles des autres partis représentés au Bundestag, qui font tous campagne pour le mariage homosexuel.

Pour la première fois, il ouvrirait la possibilité aux couples gais et lesbiens d'adopter ensemble des enfants.

Angela Merkel a opéré ce revirement lundi soir dans une interview. Elle s'est dite pour la première fois ouverte à un vote «en conscience» des députés de son camp conservateur, c'est à dire sans consigne partisane.

«Je souhaite orienter la discussion dans une direction qui relève de la décision de conscience, plutôt que de vouloir imposer quoi que ce soit», a déclaré Mme Merkel. En 2013, elle s'était opposée au mariage pour tous en invoquant ses craintes pour «le bien-être des enfants» qui seraient adoptés par les couples homosexuels mariés.

Le SPD, dont le chef de file Martin Schulz est le principal rival d'Angela Merkel pour les législatives, s'est immédiatement engouffré dans la brèche en réclamant un vote immédiat. Un moyen pour lui de reprendre la main dans la campagne, alors qu'il est à la traîne dans les sondages.

Mais en forçant la main de la CDU, il prend le risque de faire voler en éclat la coalition gouvernementale à trois mois des élections, le mariage gai ne figurant pas dans le contrat de coalition conclu il y a quatre ans.

«Rupture»

Le chef du groupe parlementaire CDU, Volker Kauder, a d'ailleurs parlé «d'une rupture de confiance» avec le SPD.

Selon les médias, Angela Merkel a pris soin de se mettre d'accord avec le patron de la CSU, Horst Seehofer, sur son virage, une semaine avant la présentation lundi du programme commun CDU/CSU pour les législatives du 24 septembre, où la chancelière briguera un quatrième mandat consécutif.

Cette dernière était sous pression: tant les sociaux-démocrates que les Libéraux du FDP (centre-droit), les plus susceptibles de gouverner avec les conservateurs après les législatives, ont fait de la légalisation du mariage de personnes de même sexe une condition pour une future coalition.

Angela Merkel est certes favorite pour un quatrième mandat, mais, compte tenu du scrutin proportionnel, elle aura besoin d'un allié au gouvernement.

La chancelière a aussi laissé entendre que sa formation ne pouvait plus être la seule en Allemagne à s'opposer au mariage gai aux côtés de la droite nationaliste de l'AfD: ce parti anti-immigration a certes désigné une homosexuelle, Alice Weidel, pour codiriger sa campagne, il demeure très hostile au mariage gai.

L'Allemagne fait partie des rares pays occidentaux à ne pas l'avoir légalisé, même si Berlin a adopté en 2001 une union civile offrant les mêmes droits, sauf en matière d'adoption.