Le revers électoral de Theresa May lors des élections législatives affaiblit sa ligne dure sur le Brexit et contraint la première ministre conservatrice à être davantage à l'écoute dans un paysage politique bouleversé.

C'est un dur retour de bâton pour la dirigeante mais le discours de la reine dévoilé mercredi semble marquer une certaine inflexion de Theresa May, qui a évité tout sujet qui fâche en donnant la priorité aux négociations sur le Brexit.

Le contexte politique tendu, avec l'absence de majorité absolue pour son parti conservateur, n'a pas été rendu plus simple par l'incendie dramatique d'une tour d'habitation à Londres, Theresa May faisant l'objet de vives critiques sur la manière dont elle a appréhendé cette tragédie.

Theresa May aborde en position de faiblesse les négociations sur le Brexit, alors que le ministre des Finances Philip Hammond semble se démarquer un peu de la ligne officielle en plaidant pour donner la priorité aux emplois et au niveau de vie, plutôt que le divorce sans concession que les militants du Brexit défendent.

Pour Jonathan Portes, professeur d'économie et de politique publique au King's College de Londres, les désaccords sont frappants. «M. Hammond n'a même pas prétendu être d'accord avec Theresa May sur la politique migratoire», note-t-il.

Theresa May, estimant que le référendum sur le Brexit de juin 2016 était un vote contre l'immigration sans contrôle en provenance du reste de l'UE, s'est engagée à la réduire nettement.

Mais les entreprises ont rapidement mis en garde contre les effets néfastes que cela aurait sur l'économie.

Sous la pression d'une contestation de membres de son parti et d'une opposition revigorée, tout en négociant un délicat accord avec le parti ultra-conservateur nord-irlandais DUP, Theresa May a toutefois changé de ton lors du discours de la reine.

La première ministre a débuté le discours, lu par la reine, en soulignant qu'elle voulait répondre «avec humilité et résolution» au message adressé par les électeurs, afin de «contruire le consensus le plus large possible sur le future du pays en dehors de l'Union européenne».

Ces propos contrastent avec ceux plus fermes tenus jusque-là par Theresa May, qui avait martelé que «pas d'accord est meilleur pour le Royaume-Uni qu'un mauvais accord».

Cette formule est revenue à plusieurs reprises dans la campagne pour les élections du 8 juin mais semble avoir désormais du plomb dans l'aile, alors que Philip Hammond plaide pour un accord de transition, notamment pour le commerce, afin d'éviter toute phase d'adapation trop brusque quand le Brexit sera effectif.

Pas de compromis? 

La principale confédération patronale, le CBI, a salué un «changement de ton», qui «a besoin d'être confirmé désormais par de la clarté et de l'action».

Le chef de l'opposition, le travailliste Jeremy Corbyn, a rejoint M. Hammond en souhaitant un accord sur le Brexit qui donne la priorité aux emplois et à l'économie. «Pas d'accord n'est pas meilleur qu'un mauvais accord. C'est un mauvais accord», a-t-il dit.

La ligne du gouvernement britannique n'est toutefois pas totalement claire, d'autant que le ministre chargé du Brexit, David Davis, a mis en avant lors du lancement des discussions lundi la nécessité pour le Royaume-Uni de quitter l'UE dans le but de reprendre le contrôle de ses affaires.

Les Européens pourraient donc ne plus très bien savoir quel est exactement le message que veut transmettre Londres, en particulier au moment où la presse britannique spécule sur un possible renversement de Theresa May par des poids lourds du parti.

Comme les marchés financiers, dont la fébrilité pèse sur la livre britannique, les responsables européens souhaiteraient davantage de certitude de la part du Royaume-Uni.

La première ministre aura une occasion de clarifier les choses lors du sommet européen de jeudi lors duquel elle devrait proposer un accord post-Brexit garantissant les droits des citoyens européens résidant au Royaume-Uni.

M. Portes pense que les autres dirigeants européens se satisferont du changement de ton mais ne devraient pas pour autant se montrer plus conciliants en retour.

«Pourquoi faire des compromis avec Theresa May alors qu'elle est si faible ?», se demande-t-il.