Désormais doté d'une franche majorité à l'Assemblée nationale, le président centriste Emmanuel Macron va pouvoir s'atteler à ses chantiers de réformes, parfois délicats, qu'il espère mener en France mais aussi en Europe.

Son pari du renouvellement a été tenu avec la fin du bipartisme droite gauche, la prééminence d'un bloc centriste, le nombre record de femmes et une entrée massive de nouveaux élus (425 sur 577). Ses nouvelles priorités sur le plan intérieur : moraliser la vie politique, réformer le droit du travail et renforcer l'arsenal antiterroriste.

Le premier ministre Édouard Philippe devrait remettre incessamment la démission de son gouvernement, une formalité classique après un scrutin législatif. Ce dernier parachève la conquête éclair du plus jeune président de France, à 39 ans.

Le chef du gouvernement, issu de l'aile modérée du parti de droite Les Républicains, devrait reprendre les rênes, à l'issue d'un « remaniement technique » d'ampleur limitée, selon le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.

Le parti présidentiel la République en marche (REM) et sa formation alliée du MoDem ont obtenu dimanche une confortable majorité absolue à l'Assemblée et balayé les autres partis : 350 des 577 sièges, dont 308 pour REM seul.

Laminé, le parti socialiste n'obtient que 30 élus contre 284 dans l'Assemblée sortante. Les Républicains parviennent à en conserver 112 (130 avec leurs alliés centristes). Déçu dans ses ambitions, le parti d'extrême droite Front national conquiert néanmoins 8 sièges (contre 2 auparavant), dont un pour sa présidente Marine Le Pen.

Les électeurs ont-ils pour autant donné un blanc-seing au président pour conduire ses réformes? Pas tout à fait, relève la presse, en raison de l'abstention historique ayant marqué l'élection (57 % au second tour), perçue comme le refus d'une « carte blanche » au nouvel exécutif.

« Nous obtenons une majorité nette mais en même temps les Français n'ont pas voulu signer de chèque en blanc », a admis Christophe Castaner.

« Le peuple est entré en grève générale civique », a lancé le héraut de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, élu à Marseille et dont le parti vieux d'un an à peine, La France insoumise, a gagné 17 sièges.

Car cette élection a consacré les jeunes partis et les nouveaux venus en politique : 91 % des nouveaux députés REM et 100 % de ceux de la France insoumise n'ont jamais siégé à l'Assemblée.

Agenda européen

Sur les 345 députés candidats à leur réélection, seuls 140 ont passé la rampe et parmi les députés figurent 224 femmes, un nombre record.

« Il y a un an, personne n'aurait imaginé un tel renouvellement politique », a souligné dimanche soir Édouard Philippe.

« Seule l'abstention record vient ternir une victoire qu'aucun commentateur n'a anticipée en début de campagne », analyse lundi le quotidien de gauche Libération.

« En deux élections et quatre tours de scrutin, la révolution En marche !, à laquelle personne ne voulait croire, a déferlé sur la France comme un tsunami », commente le journal de droite Le Figaro.

Pour le constitutionnaliste Didier Maus, « on a tiré contre tout ce qui représentait un système antérieur et on essaie autre chose ».

Dans cette configuration, le chef de l'État, qui « marche sur l'eau » selon The Economist, a les coudées franches pour lancer de délicates réformes d'inspiration libérale-sociale.

En réussissant son dernier pari - le contrôle de l'Assemblée - Emmanuel Macron, voit sa position renforcée au niveau européen, à la veille d'un Conseil européen et alors que commencent les négociations sur le Brexit.

Cet Européen convaincu, prônant « une France forte dans une Europe forte » doit participer à Bruxelles à ce Conseil des 22 et 23 juin consacré à des questions clefs comme les migrations, la sécurité, la défense... Il a rencontré ces derniers jours plusieurs dirigeants européens pour discuter de la relance d'une Union impopulaire soumise à de fortes poussées nationalistes, des droits sociaux, de la directive des travailleurs détachés ou de la gouvernance de la zone euro.

La chancelière allemande Angela Merkel, qui se prépare elle-même à entrer dans une séquence électorale, l'a aussitôt félicité pour sa « majorité parlementaire nette », selon son porte-parole. Son ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a estimé que la voie était désormais « libre pour les réformes ».