Trente décès confirmés, vint-huit autres personnes présumées mortes : le bilan de l'incendie de la tour Grenfell à Londres s'est encore aggravé samedi, au moment où Theresa May tentait de répondre aux critiques l'accusant de n'avoir pas pris la mesure du drame.

« Cinquante-huit personnes [...] sont portées disparues et je dois donc tristement présumer qu'elles sont mortes », a déclaré Stuart Cundy, un haut responsable de la police de la capitale britannique.

« Ce nombre de 58 pourrait changer. J'espère que ce ne sera pas le cas, mais il pourrait augmenter », a-t-il ajouté, précisant que sur ce nouveau bilan, provisoire, 30 décès étaient confirmés et que 16 corps retrouvés dans l'immeuble de logements sociaux avaient été transportés à la morgue.

L'officier a souligné que l'opération de recherche des corps prendrait du temps, « des semaines », peut-être davantage, en raison de l'état de la tour, ravagée par un incendie d'origine inconnue dans la nuit de mardi à mercredi.

L'ampleur du bilan, qui s'alourdit de jour en jour, a choqué l'opinion publique et provoqué la colère des proches des victimes et des membres de leur communauté.

Samedi encore, des manifestants ont brandi des pancartes « Justice pour Grenfell » non loin du 10, Downing Street, où se trouvent les bureaux de la première ministre conservatrice Theresa May.

« Sombre humeur nationale »

Dans ce climat de deuil, la reine Élisabeth II a adressé à ses sujets un message d'une gravité inhabituelle alors qu'ont lieu les célébrations pour son 91e anniversaire.

« Cette année, il est difficile de ne pas ressentir la très sombre humeur nationale », déclare-t-elle en invitant les Britanniques à puiser dans leurs ressources, dans leur histoire, pour répondre à la « succession de terribles tragédies » des derniers mois : trois attentats sanglants et l'incendie de la tour Grenfell.

« Quand il est mis à l'épreuve, le Royaume-Uni se montre déterminé face à l'adversité », rappelle la très populaire souveraine.

La reine s'était rendue vendredi au chevet des victimes. L'image d'Élisabeth II discutant avec des membres de la communauté locale a offert un contraste saisissant avec la réaction de Theresa May qui, après s'être rendue sur place jeudi sans rencontrer la population, y est retournée le lendemain sous les huées.

La dirigeante a reçu samedi à Downing Street un groupe de résidants et de victimes, au lendemain d'une journée de protestations lors de laquelle des manifestants ont envahi la mairie du quartier où se trouve la tour, aux cris de « Honte à vous », « Tueurs ».

Les autorités locales sont accusées de ne pas avoir entendu les cris d'alerte concernant la sécurité du bâtiment de 24 étages, parce qu'ils provenaient d'une population majoritairement modeste.

De nombreux résidants ont affirmé qu'il n'y avait pas d'issue de secours, pas d'extincteur, pas d'alarmes incendie. Le revêtement installé sur la façade aurait en outre favorisé la propagation de l'incendie.

Autant de questions qui seront passées au crible par les enquêteurs, a assuré Stuart Cundy, promettant que les éventuels responsables seraient traduits en justice.

Selon le service de santé public NHS, 19 personnes étaient toujours hospitalisées samedi, dont 10 dans un état critique. Près de 600 personnes habitaient dans cet immeuble de 120 appartements.

Amazing Grace

Face à la polémique grandissante, Theresa May a publié en fin de journée un long communiqué dans lequel elle assure avoir « entendu les inquiétudes ». Elle y confirme le déblocage en urgence de 5 millions de livres, qu'elle promet de compléter « si nécessaire ».

Elle reconnaît également que le soutien initial apporté aux familles était « insuffisant » et annonce le déploiement de personnels supplémentaires sur place. Évoquant une « tragédie inimaginable », Mme May promet que son gouvernement fera « tout ce qu'il faut ».

Reste que pour le Guardian, « un leader qui a peur de rencontrer ses concitoyens est fini ». Évoquant dans un éditorial implacable la tour et sa sinistre façade calcinée, le quotidien estime que cette « tombe dans le ciel sera à jamais le monument de Theresa May ».

Pour le moment, seules deux victimes ont été nommées. Il s'agit de Mohammad Alhajali, un réfugié syrien de 23 ans qui étudiait l'ingénierie civile, et d'une photographe britannique de 24 ans, Khadija Saye.

Sept Marocains figurent probablement parmi les victimes, a annoncé le ministère marocain des Affaires étrangères.

Le sinistre a suscité un vaste élan de solidarité : plus de 3 millions de livres ont été récoltées en faveur des victimes.

Près de la tour samedi, des membres de la communauté ont chanté des prières sur l'air d'Amazing Grace, devant des bouquets de fleurs déposés en hommage aux victimes.

« Cela n'aurait pas dû arriver », a déploré Inderjit Bhopal, un pasteur méthodiste. « Au XXIe siècle, on doit pouvoir offrir des logements sûrs ».

PHOTO NIKLAS HALLE'N, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un incendie a ravagé la tour Grenfell dans la nuit de mardi à mercredi.

PHOTO CHRIS J RATCLIFFE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des manifestants ont brandi des pancartes «Justice pour Grenfell» non loin du 10, Downing Street, où se trouvent les bureaux de la première ministre Theresa May.