Deux petits bergers portugais, Francisco Marto et sa soeur Jacinta, ont été déclarés saints samedi par le pape François devant une foule de 500 000 pèlerins rassemblés au sanctuaire de Fatima, où la Vierge serait apparue voici 100 ans.

Après s'être recueilli sur les tombes des voyants dans la Basilique Notre-Dame du Rosaire, le pape François a prononcé la rituelle formule de canonisation en portugais, sous les applaudissements des fidèles, dont certains en pleurs.

Environ 500 000 personnes étaient massées sur l'esplanade comble du sanctuaire sous un ciel nuageux, alors que des dizaines de milliers de pèlerins devaient se contenter d'écrans géants dans les rues adjacentes.

Au total, un demi-million de croyants ont assisté à la messe de samedi, soit autant que lors de la visite du pape Benoît XVI en 2010, selon une estimation des autorités portugaises citée par le Vatican.

« Nous avons comme exemples devant les yeux Saint François Marto et Sainte Jacinthe », qui par leur foi ont eu « la force de surmonter les contrariétés et les souffrances », a déclaré le pape dans une homélie, à propos des enfants morts de la grippe espagnole en 1919 et 1920.

Notre-Dame de Fatima est « un manteau de lumière » protégeant les catholiques, a souligné le pontife argentin, qui voue une grande dévotion à la Vierge.

De nombreux pèlerins, les traits tirés, avaient passé la nuit à la belle étoile. D'autres ont afflué dès l'aube vers la ville-sanctuaire du centre du Portugal, petites chaises pliantes sous le bras ou arborant le drapeau de leur pays : Espagne, Pologne, Chili, France ou encore Afrique du Sud.

Promesses et miracles

Luisa Pacheco, une couturière portugaise de 48 ans, faisait son premier pèlerinage pour tenir une promesse faite voici 30 ans : « Je suis tombée malade et j'ai promis à Notre-Dame que je viendrais à Fatima si j'étais encore en vie pour le centenaire des apparitions ».

Qu'importe si elle a dormi dans sa voiture : « Ce sont nos petits bergers à nous, ça signifie tout pour nous ».

Pour Pedro Pestana, un avocat de 46 ans, « tout ce qui entoure Fatima est un mystère » et « si Fatima n'existait pas, l'histoire de la religion au Portugal ces cent dernières années serait complètement différente ».

En 1917, dans le contexte tragique de la Première Guerre mondiale et d'un gouvernement portugais anticlérical, Francisco (9 ans), Jacinta (7 ans) et leur cousine Lucia dos Santos (10 ans), bergers pieux et illettrés d'un village isolé, affirmèrent que Marie leur était apparue à six reprises tous les 13 du mois, à partir de mai.

Les enfants furent considérés par les autorités locales comme des perturbateurs de l'ordre public, au point d'être mis brièvement au cachot, avant d'être libérés sous la pression populaire.

Les apparitions de la « dame en blanc », vues seulement par les trois petits paysans, furent ensuite accompagnées de phénomènes insolites constatés le 13 octobre par une foule de 50 000 à 70 000 curieux évoquant une « danse du soleil ».

Miracle ou hallucination collective renforcée par un phénomène naturel? Les avis divergent dans l'Église. L'épisode sera en tout cas suffisamment décisif pour que l'Église déclare en 1930 les apparitions dignes de foi et autorise le culte de Notre-Dame de Fatima.

Si les apparitions racontées par les bergers ne constituent pas un dogme auquel doivent croire tous les catholiques, leur canonisation est une consécration suprême.

Trois secrets

Les parents d'un jeune garçon brésilien ont raconté jeudi à Fatima l'histoire de son rétablissement éclair, attribué aux bergers, après une grave chute, le second « miracle » nécessaire à leur canonisation.

L'Église catholique reconnaît, comme les autres religions, une place au surnaturel. En commençant par la vie de Jésus, jalonnée de nombreux miracles.

La reconnaissance d'autres apparitions ou guérisons inexplicables suit une procédure longue et prudente, pour ne pas mettre en risque la crédibilité de l'Église.

Francisco et Jacinta sont morts jeunes, mais leur cousine Lucia vivra jusqu'à 97 ans avec pour mission de divulguer à l'Église le message composé de trois secrets « prophétiques » que lui aurait confié Marie.

Son procès en béatification a été initié en 2008, trois ans après sa mort. Le Saint-Siège s'est longtemps montré extrêmement frileux sur les nombreux écrits de l'unique survivante, vite éloignée de Fatima et qui deviendra une religieuse carmélite.

Le dernier secret de Notre-Dame de Fatima fut même consulté en 1959 et en 1965 par deux papes, qui s'empressèrent de remettre le texte à l'abri dans les archives secrètes du Vatican !

Il ne fut divulgué qu'en 2000, en même temps que la béatification des deux petits bergers par le pape Jean-Paul II, venu trois fois à Fatima. Pour le pontife polonais, le secret, qui a fait l'objet de nombreuses interprétations plus symboliques, annonçait l'attentat perpétré contre lui sur la place Saint-Pierre à Rome, le 13 mai 1981.

PHOTO TIZIANA FABI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Quelque 500 000 pèlerins étaient rassemblés au sanctuaire de Fatima pour assister à la messe du pape François.