La patronne de l'extrême droite française Marine Le Pen, en léger recul dans les sondages à quatre jours du premier tour de l'élection présidentielle, durcit son discours sécuritaire et anti-immigration, tandis qu'un attentat vient d'être déjoué en France.

Donnée qualifiée au second tour du scrutin par toutes les enquêtes d'opinion depuis des mois, la candidate anti-immigration et anti-euro connaît ces derniers jours un tassement dans les sondages, tout comme l'autre favori, le centriste pro-européen Emmanuel Macron - tous deux autour de 23% des intentions de vote.

Le conservateur François Fillon, longtemps plombé par ses ennuis judiciaires, et le champion de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon les talonnent de près (presque à 20%) et semblent bénéficier à l'inverse d'une dynamique favorable.

Un sprint final d'autant plus serré que l'abstention risque d'être élevée et que près de 30% des électeurs affirment ne toujours pas savoir pour qui voter dimanche.

Dans ce contexte incertain, Marine Le Pen mise tout sur les thèmes de prédilection de son parti Front national (FN) pour remobiliser son camp: immigration, identité et sécurité.

«Les Français ont le sentiment d'être dépossédés de leur identité, de leur souveraineté», a-t-elle martelé mercredi dans une interview télévisée avant un grand meeting dans le port méditerranéen de Marseille, une ville sensible sur les sujets d'immigration.

La candidate de 48 ans a durci le ton dès lundi en prônant un «moratoire» sur «l'immigration légale» et en répétant vouloir «mettre fin aux accords de Schengen» sur la libre circulation des personnes au sein de l'UE.

Pour son rival Emmanuel Macron, l'idée du moratoire vise à la «relancer dans cette campagne difficile et à faire parler d'elle» mais est «à la fois illégale et inefficace».

«Avec moi, il n'y aurait pas eu de Mohamed Merah», qui se proclamait «combattant d'Al-Qaïda» et avait tué en 2012 trois militaires ainsi que trois enfants et un enseignant juifs, et «il n'y aurait pas eu les terroristes migrants du Bataclan et du stade de France» qui ont fait 130 morts en novembre 2015, assure aussi Marine Le Pen.

«Les mesures que je veux mettre en oeuvre n'auraient pas permis à ces personnes d'être soit sur le territoire, soit en liberté», a-t-elle dit.

Retour aux fondamentaux

«On ne récolte pas de voix sur le dos des morts. C'est une sorte de ligne rouge d'ordre moral» que «Marine Le Pen vient de franchir», critique un éditorial du quotidien Le Monde.

Il n'empêche: le thème est porteur dans une France traumatisée par une série d'attentats jihadistes qui ont fait 238 morts en 2015 et 2016, et où la menace terroriste reste «plus élevée que jamais», selon le ministère de l'Intérieur.

Mardi, deux hommes soupçonnés de préparer un attentat djihadiste «imminent» en France ont été arrêtés à Marseille, avec un arsenal inquiétant dans leur appartement -dont trois kilos d'explosifs et plusieurs armes à feu.

Les deux suspects, Clément Baur, 23 ans, et Mahiedine Merabet, 29 ans, tous deux de nationalité française avaient déjà été incarcérés pour des faits sans caractère terroriste.

L'offensive de Mme Le Pen sur l'immigration et la sécurité lui permet d'éviter un sujet plus glissant: la sortie de l'euro, promise dans son programme et qui continue de faire peur à une majorité de Français (72% selon un récent sondage).

«Depuis son meeting lundi soir, il y a une réorientation vers les fondamentaux anciens, particulièrement l'immigration. On revient à l'os (...) Car l'électorat frontiste est plus divisé qu'il n'y paraît sur la sortie de l'euro», analyse pour l'AFP Jean-Yves Camus, spécialiste du FN.

Le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a lui aussi pris soin de rassurer l'opinion publique sur ce point, alors que son programme prévoit de renégocier les traités européens avec Bruxelles et d'en sortir après référendum si les discussions échouent.

«Ne croyez pas ce qu'ils vous disent: "il veut sortir de l'Europe, de l'euro", allons, un peu de sérieux», a-t-il déclaré mardi, se disant «sûr» de pouvoir négocier avec l'Allemagne.