Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson et le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov menaient mercredi à Moscou des pourparlers cruciaux pour l'avenir des relations entre les deux puissances après une guerre des mots sur le conflit syrien.

Les deux responsables ont échangé déclaration sur déclaration ces derniers jours au sujet de l'attaque chimique présumée de Khan Cheikhoun et après la volte-face du président américain, ordonnant le premier bombardement de l'armée syrienne depuis le début du conflit il y a six ans.

Au début de l'entretien, M. Lavrov a dit vouloir comprendre «les intentions réelles» des États-Unis en matière de politique internationale, afin d'éviter une «récidive» de la frappe américaine en Syrie et de travailler à la création d'un «front commun contre le terrorisme».

«Notre ligne de conduite se base sur le droit international et non pas sur un choix du type "avec nous ou contre nous"», a déclaré le ministre.

M. Tillerson a de son côté dit souhaiter un échange «ouvert, franc et sincère», destiné à «davantage clarifier les objectifs et intérêts communs» et les «nettes différences» dans l'approche des deux pays sur les principaux dossiers.

La toute première visite en Russie d'un haut responsable de la nouvelle administration américaine devait servir à jeter les bases de la «normalisation» des relations entre les deux pays promise par Donald Trump lors de sa campagne électorale.

Mais l'attaque chimique présumée de Khan Cheikhoun et la frappe américaine qui l'a suivie ont provoqué un nouveau regain de tensions aux accents de Guerre froide entre les deux puissances.

Le président Vladimir Poutine a ainsi estimé dans un entretien diffusé mercredi que le «degré de confiance» entre les deux pays s'était dégradé depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche.

«Provocations»

Les responsables américains se sont succédé mardi pour critiquer le soutien sans faille de la Russie au président syrien Bachar al-Assad.

Le secrétaire à la Défense Jim Mattis a estimé qu'il n'y avait «pas de doute» que le régime de Damas était responsable de l'attaque chimique présumée du 4 avril, qui a fait 87 morts dans la province rebelle d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie.

Auparavant, un haut responsable de l'administration américaine s'exprimant sous couvert de l'anonymat avait accusé Moscou de «semer la confusion» sur le rôle du régime syrien en tentant de mettre en cause les rebelles ou les jihadistes de l'organisation État islamique.

Le président Vladimir Poutine a, lui, répété qu'il ne voyait aucun élément prouvant la responsabilité de Damas.

La Russie se tient à une ligne mettant le régime syrien hors de cause: il faut regarder du côté des rebelles, l'armée syrienne ne disposant plus d'armes chimiques depuis le démantèlement de son arsenal sous supervision internationale.

Il a ainsi mis en garde contre des «provocations» en préparation de la part des rebelles qui utiliseraient des armes chimiques pour mettre ensuite Damas en cause.

Vote à l'ONU

Dans le même temps, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont présenté au Conseil de sécurité un nouveau projet de résolution demandant la coopération du régime syrien dans une enquête sur l'attaque chimique.

Le vote est prévu mercredi à 19h00 GMT (15h00 à Montréal) mais, selon des diplomates, la Russie devrait utiliser son droit de veto.

La semaine dernière le Conseil de sécurité avait examiné trois projets de résolution sans jamais passer au vote.

Au-delà de la question de l'attaque chimique présumée de Khan Cheikhoun, M. Tillerson est porteur d'un message de fermeté des pays du G7 qui jugent que l'avenir de la Syrie devait s'écrire sans Bachar al-Assad.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a qualifié l'idée d'«absurde» et expliqué qu'un abandon du soutien russe à Bachar al-Assad reviendrait à «laisser le champ libre aux terroristes».

Le conflit en Ukraine, la lutte antiterroriste, l'Afghanistan, le Yémen et la Libye sont également au menu des discussions entre MM. Lavrov et Tillerson.

La visite du secrétaire d'État précède une rencontre tripartite entre M. Lavrov et les chefs de la diplomatie syrien, Walid Mouallem et iranien, Mohammad Javad Zarif, prévue à la fin de la semaine à Moscou.