«Petits» candidats et grands favoris à la présidentielle française s'affrontaient mardi soir lors d'un débat télévisé à moins de trois semaines du scrutin, pour tenter de convaincre les bataillons d'électeurs encore indécis et conjurer la menace d'une abstention record.

Exercice inédit avant un premier tour d'élection présidentielle, prévu le 23 avril, les onze prétendants ont été invités d'emblée à se présenter, une occasion pour les moins connus d'entre eux de faire entendre leur voix dans cette campagne marquée par les affaires, riche en coups de théâtre et scrutée à l'étranger, alors que l'extrême droite est donnée qualifiée pour le second tour décisif, programmé le 7 mai.

Les «petits» candidats, crédités au mieux de quelques points dans les sondages, ont marqué d'emblée leurs différences en dénonçant «politiciens corrompus» et «système usé», et en exprimant leurs «colères» et «espoirs».

Mais avec un peu plus d'un quart d'heure au total de temps de parole chacun ils ne pouvaient que brosser à grands traits leurs projets pour la France et l'emploi, premiers sujets abordés.

L'Europe a été le déclencheur de débats plus animés qui ont fait apparaître les lignes de fracture entre les tenants du renforcement de la construction européenne (le centriste Emmanuel Macron), ceux plaidant pour la renégociation des traités (le candidat de la gauche radicale Jean-Luc  Mélenchon) et ceux demandant un «Frexit» et/ou la sortie immédiate de l'euro (Marine Le Pen, candidate de l'extrême droite).

En tête des sondages et au coude à coude avec environ 26% chacun, Marine Le Pen, présidente du Front national, parti anti-immigration et anti-Europe, et Emmanuel Macron, ancien ministre du président socialiste François Hollande, se sont affrontés sur le sujet.

«Politiciens corrompus»

«Mme Le Pen, vous ressortez les mensonges qu'on entend depuis 40 ans, et qu'on entendait dans la bouche de votre père» Jean-Marie Le Pen, cofondateur du Front National, a lancé M. Macron, mettant en garde contre la baisse du pouvoir d'achat qui résulterait d'une sortie de l'euro.

Marine Le Pen s'est présentée comme voulant «rendre la parole au peuple» d'un pays «livré à l'insécurité galopante», confronté à la «mondialisation sauvage», au «totalitarisme islamiste» à «la contestation de ses valeurs fondamentales et même de son identité nationale».

Emmanuel Macron s'est lui posé comme le candidat de «l'alternance véritable, profonde», prêt à «prendre des mesures fortes» et affichant sa «confiance» dans la France.

Le candidat de la droite François Fillon a pris des accents guerriers pour parler de «vaincre le totalitarisme islamique», «sauver l'Europe», «libérer» l'économie. M. Fillon est tombé en troisième position dans les intentions de vote (17%) après un scandale sur des emplois fictifs présumés impliquant sa famille, qui lui vaut une inculpation notamment pour détournement de fonds publics.

Pour autant, cherchant à convaincre de la pertinence de son programme d'austérité, il s'est affiché en candidat «du redressement», désireux de «restaurer la fierté nationale et se tenir aux côtés des Français qui réclament de l'ordre et de la sécurité».

La voix rocailleuse du centriste Jean Lassalle rappellant qu'il était «fils de berger, frère de berger» ou la sortie corrosive contre les «policiens corrompus», y compris «autour des pupitres» du débat du candidat d'extrême gauche Philippe Poutou, ont donné de la couleur au débat.

Quatrième des sondages, le trublion de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon s'en est lui pris à «la finance», qui «doit rendre l'argent» et «payer le retour au plein emploi», en se disant «prêt à gouverner». Le vent en poupe, M. Mélenchon est aujourd'hui crédité de 15% des intentions de vote. «La vague se lève», s'était réjoui dimanche ce tribun de 65 ans, aux talents reconnus d'orateur.

À 19 jours du scrutin, il devient pour tous crucial de convaincre, notamment les abstentionnistes alors que seulement deux tiers des électeurs se disent certains d'aller voter.

Une incertitude qui complique le travail des instituts de sondage, sous haute surveillance après l'incapacité de leurs homologues anglo-saxons à anticiper l'élection de l'Américain Donald Trump et le vote pour le Brexit au Royaume-Uni.