L'État allemand de Sarre veut interdire à tout responsable politique étranger d'organiser des réunions électorales sur son territoire, une mesure inédite dans le pays visant les rassemblements pro-Erdogan.

«À la suite de l'actuel débat sur la campagne électorale de membres du gouvernement turc en Allemagne, la Sarre va prendre toutes les mesures nécessaires pour interdire de tels évènements sur le sol sarrois», a indiqué l'exécutif de cette région d'un million d'habitants frontalière de la France.

L'Allemagne a été la première début mars à s'attirer les foudres du président Recep Tayyip Erdogan après que des municipalités ont interdit à des ministres turcs de promouvoir le oui au référendum du 16 avril sur le renforcement des prérogatives présidentielles.

Le chef de l'État turc a répliqué en accusant à maintes reprises Berlin d'user de méthodes nazies.

Le chef de la chancellerie et proche d'Angela Merkel, Peter Altmaier, a également haussé le ton mardi soir en menaçant d'interdire aux dirigeants turcs de se rendre en Allemagne.

«Le fait que le gouvernement allemand n'ait jusqu'ici pas utilisé les possibilités juridiques internationales ne signifie pas que c'est une entrée libre (des responsables turcs) à l'avenir», a-t-il assuré.

«Une interdiction d'entrer (en Allemagne) serait le dernier recours. Nous nous en réservons le droit», a-t-il ajouté dans un entretien au groupe de journaux régionaux Funke.

La Sarre est le premier des seize États régionaux allemands à décider d'une interdiction générale, alors que le gouvernement fédéral a lui toujours indiqué ne pas être opposé à des réunions électorales pro-Erdogan dès lors moment qu'elles se déroulent en conformité avec la loi.

Cette annonce intervient cependant dans un contexte électoral particulier en Sarre où les conservateurs de la CDU, qui dirigent le gouvernement régional, risquent de se faire battre par les sociaux-démocrates lors d'un scrutin régional le 26 mars.

Pour le site du magazine du Spiegel, l'exécutif régional cherche donc «à marquer des points» avec un discours de fermeté alors même qu'aucun rallye turc n'est prévu à l'heure actuelle dans la région.

La dirigeante sarroise, Annegret Kramp-Karrenbauer, membre de la CDU de la chancelière Angela Merkel, a ainsi jugé important que sa région empêche la promotion d'un renforcement «antidémocratique» des pouvoirs de M. Erdogan.

«Notre démocratie libérale ne doit pas être un refuge pour ceux qui font la promotion d'objectifs antidémocratiques», a-t-elle dit.

Le ministre fédéral de l'Intérieur Thomas de Maizière s'était dit peu avant «pas favorable» sur un plan personnel à ce que des campagnes électorales pour des scrutins à l'étranger soient menées en Allemagne.

La crise avec la Turquie est devenue européenne cette semaine après que les Pays-Bas ont fermé le pays à deux ministres turcs venus faire campagne. Là aussi M. Erdogan a lancé des accusations de nazisme, et a d'une manière générale dénoncé le comportement de l'UE à son égard.

Avec trois millions de personnes, l'Allemagne compte la plus grosse diaspora turque au monde. Près de la moitié ont le droit de voter pour les scrutins turcs, et représentent donc un électorat non négligeable en vue du référendum du 16 avril.