L'étau s'est resserré mardi sur l'oligarque ukrainien Dmytro Firtash, dont l'Autriche a autorisé l'extradition vers les États-Unis, tout en le plaçant en détention sur demande de l'Espagne, deux pays qui soupçonnent de malversations cet homme d'affaires aux nombreuses connexions politiques.

Dmytro Firtash, l'un des hommes les plus riches d'Ukraine qui était assigné à résidence en Autriche depuis trois ans, ne s'attendait pas à quitter la cour d'appel de Vienne encadré par les forces de l'ordre.

La justice autrichienne a frappé mardi en deux temps: elle a d'abord donné son feu vert à son extradition vers les États-Unis avant de mettre à exécution un mandat d'arrêt européen émis par l'Espagne en novembre.

Présent à la cour pour le prononcé du jugement, l'homme d'affaires qui a fait fortune en vendant du gaz russe à Kiev a accusé le coup, alors qu'il avait, à son arrivée, exprimé l'espoir de pouvoir «rentrer» en Ukraine après le délibéré des juges autrichiens.

Ses avocats présentent l'oligarque de 51 ans en cible des luttes d'influence politique qui déchirent l'Ukraine depuis le renversement en 2014 du régime prorusse de l'ex-président Viktor Ianoukovitch dont il fut proche.

Qualifiant la décision autrichienne de «surprenante», son conseil autrichien Dieter Böhmdorfer a indiqué dans un communiqué son intention de contester la décision d'extradition devant la plus haute instance judiciaire du pays et devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

Il a également estimé que les États-Unis agissaient dans cette affaire «par motivation politique» contre un homme réputé proche du pouvoir russe.

Le député Sergii Leshchenko, ancien journaliste d'investigation spécialisé dans les affaires financières, a estimé, dans une réaction à l'AFP, que les auditions de M. Firtash par les enquêteurs pourraient donner de précieuses informations sur de nombreux dossiers de corruption.

«Il peut donner des éléments sur ses donneurs d'ordre. Car il n'est certainement pas au sommet de la pyramide de corruption qui implique politiciens russes et ukrainiens», selon M. Leshchenko.

Le ministre autrichien de la Justice Wolfgang Brandstetter a indiqué mardi soir sur la télévision publique ORF qu'aucune décision sur son extradition ne serait prise avant l'examen par la justice des griefs de la justice espagnole.

De l'Ukraine à l'Inde 

Un mois après la fuite d'Ukraine de Viktor Ianoukovitch, M. Firtash avait été arrêté en mars 2014 en Autriche, à la demande du FBI, la police fédérale américaine, avant d'être remis en liberté une dizaine de jours plus tard contre une caution record.

La cour d'appel de Vienne a pris mardi le contre-pied de la décision rendue en première instance en avril 2015 qui avait rejeté la demande d'extradition de Washington en estimant notamment qu'elle était «politiquement motivée».

Les États-Unis veulent le juger pour des faits de corruption liés à l'exploitation d'une mine de titane en Inde. Washington s'est déclaré compétent en arguant notamment du fait que des manoeuvres frauduleuses avaient transité par des établissements financiers américains.

Selon la justice américaine, Dmytro Firtash et cinq autres personnes sont accusés d'avoir versé 18,5 millions de dollars de pots-de-vin à des fonctionnaires indiens afin de se réserver des licences pour l'exploitation de cette mine en 2006.

La justice espagnole le soupçonne de son côté de faits de blanchiment.

La police de Barcelone avait annoncé fin novembre qu'un mandat d'arrêt européen avait été lancé contre trois Ukrainiens dont «un important homme d'affaires du secteur du gaz». La presse espagnole avait identifié ce dernier comme étant Dmytro Firtash.

Selon le journal ABC à l'époque, M. Firtash est accusé «d'avoir d'étroites relations avec le crime organisé et d'avoir blanchi dix millions d'euros en Espagne, provenant de présumées activités criminelles».

Magnat de l'industrie ukrainienne, Dmytro Firtash a bâti sa fortune sur l'importation de gaz russe et d'Asie centrale en Ukraine en lien avec le géant russe Gazprom. Il est propriétaire du groupe DF, une holding possédant des parts dans l'énergie, la chimie, les médias, les banques et l'immobilier en Ukraine et dans d'autres pays incluant l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche.

Après avoir soutenu la campagne électorale de Viktor Ianoukovitch pour la présidentielle de 2010, il a notamment acquis la chaîne de télévision ukrainienne Inter.