Le candidat de la gauche radicale à l'élection présidentielle française, Jean-Luc Mélenchon, a tenu dimanche un double rassemblement en direct dans deux villes grâce à un hologramme, au même moment où s'exprimait la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen.

Le candidat de «La France insoumise» s'exprimait à Lyon (centre-est), tandis qu'un hologramme projetait un double d'un réalisme parfait en quasi-simultané dans une salle de la banlieue de Paris grâce à une transmission satellite, une performance technique qui a suscité l'enthousiasme de plusieurs milliers de spectateurs.

Il a appelé à sortir des traités européens: «l'Europe, on la change ou on la quitte !» et dénoncé «un monde obscène où huit milliardaires possèdent autant que la moitié de l'humanité».

Jean-Luc Mélenchon avait choisi Lyon pour marquer son opposition frontale à Marine Le Pen, qui s'y exprimait au même moment. Mais il a au final peu évoqué la candidate d'extrême droite, réservant l'essentiel de ses flèches à Emmanuel Macron, l'ancien ministre de l'Économie du président socialiste François Hollande, repositionné au centre, qui a le vent en poupe dans les sondages et avait tenu rassemblement, lui aussi à Lyon, la veille.

Jean-Luc Mélenchon a ainsi appelé à résister aux «champignons hallucinogènes qui poussent dans la jungle politique et la bulle médiatique» et a accusé Emmanuel Macron - hué par le public - d'avoir «pourri la vie de milliers de gens» pour avoir soutenu lorsqu'il était au gouvernement une loi visant à libéraliser le marché du travail.

«Je veux que l'on ait confiance en nous-mêmes», a-t-il aussi lancé en évoquant longuement ses ambitions pour la France dans l'espace, l'économie de la mer ou encore la recherche.

Jean-Luc Mélenchon doit cependant faire face à la concurrence de Benoît Hamon, le candidat élu à l'issue de la primaire socialiste.

Selon un sondage publié samedi, Benoît Hamon recueille 16% à 17% d'intentions de vote, devant Jean-Luc Mélenchon (11-11,5%) mais toujours loin derrière Marine Le Pen (25%), Emmanuel Macron (21 à 22% )et le candidat de la droite François Fillon (18à 20%), empêtré dans les accusations d'emplois fictifs visant son épouse Penelope.

Ancien «frondeur» opposé à la politique menée par le président socialiste François Hollande, Benoît Hamon a été officiellement investi dimanche à Paris par le Parti socialiste. Il a de nouveau défendu son programme très à gauche et la mise en oeuvre d'un revenu universel d'existence.

Un rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon, régulièrement évoqué, reste cependant aléatoire. Le leader de la gauche radicale a appelé Benoît Hamon à «faire le ménage» dans ses rangs, mais ce dernier s'est refusé à devoir faire tomber «des têtes» en préalable à toute discussion.

Marine Le Pen exalte le «réveil des peuples»

À moins de 80 jours de la présidentielle, Marine Le Pen a tenu dimanche un virulent discours nationaliste vantant «le réveil des peuples», portée par l'arrivée au pouvoir de Donald Trump et le scandale minant son rival de droite.

«L'impossible devient possible. Comme il est possible que des présidents comme Donald Trump non seulement soient élus contre un système coalisé, mais surtout respectent leurs promesses», a lancé la candidate de l'extrême droite à Lyon (centre-est) lors du premier de ses dix rassemblements de campagne.

«Ce réveil des peuples est historique. Il marque la fin d'un cycle. Le vent de l'histoire a tourné, il nous portera au sommet», a-t-elle poursuivi, promettant de «remettre la France en ordre». «On est chez nous, on est chez nous», ont scandé en écho quelque 3000 militants dans la salle.

La dirigeante du Front national (FN), 48 ans, est en tête des intentions de vote au premier tour du scrutin le 23 avril, mais donnée battue au second tour le 7 mai.

Depuis le «Penelopegate» qui hypothèque la candidature du conservateur de droite François Fillon, jusque là considéré comme favori de la course, les sondages pronostiquent désormais un duel entre Marine Le Pen et le centriste Emmanuel Macron.

Forte d'un parti en progression constante à toutes les élections depuis 2011, la candidate mise sur le sentiment de déclassement des Français, confrontés à un chômage de masse, et aux peurs liées à l'immigration, l'islam et la sécurité dans un pays endeuillé par des attentats jihadistes sans précédent en 2015 et 2016.

L'attaque par un homme armé de machettes et criant «Allah Akbar» (Dieu est le plus grand, en arabe) d'une patrouille militaire vendredi au Musée du Louvre à Paris a alimenté son discours sécuritaire et ses critiques sur «la faiblesse d'âme de nos dirigeants contre le fondamentalisme islamiste».

Dans la foule, Grégoire Laloux, étudiant de 21 ans, se dit séduit par «son discours sur le patriotisme, sa définition de l'identité française». Michel Ducreux, agriculteur de 54 ans, se retrouve, lui «sur son positionnement nationaliste, sa politique pour relancer l'emploi, pour les plus défavorisés».

Marine Le Pen avait auparavant dévoilé ses mesures phares si elle est élue, dont deux référendums: l'un sur «la priorité nationale», l'autre sur l'appartenance à l'Union européenne.

«La France du peuple»

Ces rassemblements-clés interviennent après dix jours d'une campagne perturbée par des accusations d'emplois fictifs visant l'épouse de François Fillon, qui ont entraîné l'ouverture d'une enquête pour détournement de fonds publics.

Accusé d'avoir rémunéré pendant des années son épouse Penelope et deux de ses enfants pour un montant de près de 900 000 euros, le conservateur tente de contre-attaquer en accusant le pouvoir socialiste de chercher à l'«abattre».

Celui qui avait fait de la probité en politique un thème clé de sa campagne a promis qu'il «tiendra(it) bon» en dépit des appels à se retirer qui se multiplient dans son propre camp.

Marine Le Pen est elle-même visée par des accusations d'emploi fictif concernant une assistante payée sur des fonds européens pour rémunérer des collaborateurs de son parti. La candidate dénonce un «combat politique» du Parlement contre son parti.

Elle s'est présentée dimanche comme la «candidate de la France du peuple» face à «la droite du fric, la gauche du fric».

Sa nièce, la députée Marion Maréchal-Le Pen a de son côté appelé les sympathisants de François Fillon à se tourner vers «le plan M, le plan Marine» Le Pen, plutôt que vers un «Plan B» en cas d'éventuel nouveau candidat à droite.