La chancelière allemande Angela Merkel a exhorté jeudi le président turc Recep Tayyip Erdogan à garantir le respect de la liberté d'expression en Turquie, à quelques semaines d'un référendum sur une révision constitutionnelle renforçant ses pouvoirs.

Mme Merkel, qui s'est rendue en Turquie pour la première fois depuis le putsch manqué en juillet, a également indiqué avoir «très longuement parlé de la liberté des journalistes» avec M. Erdogan, et déploré les difficultés rencontrées par des correspondants allemands pour obtenir leur carte de presse turque.

Les dirigeants turcs ont pour leur part appelé Berlin à extrader les putschistes présumés qui ont fui en Allemagne, un sujet qui empoisonne les relations entre les deux pays.

Les rapports entre la Turquie et l'Allemagne, deux piliers de l'OTAN, se sont sensiblement dégradés depuis la tentative de coup d'Etat visant à renverser M. Erdogan, qui a été suivie de purges dont l'ampleur suscite l'inquiétude en Europe. Plus de 43 000 personnes ont été incarcérées et plus de 100 000 suspendues ou limogées depuis le 15 juillet.

Mais, signe de l'importance de la coopération de la Turquie sur la question des migrants, il s'agit de la troisième visite de Mme Merkel depuis la signature, le 18 mars 2016, d'un pacte qui a permis de réduire drastiquement le flux de passages clandestins vers l'Europe.

Mme Merkel a été vivement critiquée en Allemagne et par l'opposition en Turquie pour ce déplacement qui survient à quelques semaines d'un référendum, prévu en avril, sur la révision constitutionnelle qui renforcerait considérablement les pouvoirs de M. Erdogan. Celui-ci est accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire.

«J'ai souligné que la séparation des pouvoirs et la liberté d'expression doivent être garanties» dans la révision constitutionnelle voulue par M. Erdogan, a déclaré Mme Merkel lors d'un point presse conjoint au palais présidentiel turc.

«Intérêt mutuel» 

De son côté, M. Erdogan a balayé les critiques d'opposants au sujet de la réforme constitutionnelle, affirmant qu'elles n'avaient «absolument aucun fondement». «Il n'est pas question de mettre fin à la séparation des pouvoirs», a-t-il insisté.

Signe d'un certain agacement, le chef de l'Etat turc n'a également pas hésité à corriger la chancelière qui venait d'utiliser le terme «terrorisme islamiste». «N'employons pas cela, s'il vous plaît», a dit M. Erdogan, «en tant que président musulman, je ne peux pas l'accepter».

Les deux dirigeants ont également parlé de la situation en Syrie et en Irak, ainsi que des relations commerciales et du pacte sur les migrants.

Le président turc a plusieurs fois menacé de mettre fin à cet accord si les citoyens turcs ne sont pas exemptés de visa Schengen et si le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE, actuellement au point mort, n'avance pas.

«La question des réfugiés est très importante pour la Turquie, ainsi que pour l'UE et l'Allemagne», a souligné Mme Merkel, ajoutant que le pacte sur les migrants reposait sur un «intérêt mutuel».

La chancelière allemande a indiqué que son pays avait accepté d'accueillir «500 réfugiés par mois» dans le cadre du plan européen de relocalisation de demandeurs d'asile.

Ankara et Berlin ont vu leurs relations se dégrader depuis le putsch manqué: la Turquie accuse l'Allemagne d'héberger des «terroristes», lui reprochant de ne pas extrader des putschistes présumés et des membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Après s'être entretenu avec Mme Merkel, le premier ministre Binali Yildirim a dit attendre «bien plus de soutien» de la part de l'Allemagne dans la lutte contre les putschistes présumés et le PKK.

Des médias allemands ont rapporté la semaine dernière que 40 militaires turcs de l'OTAN avaient demandé l'asile auprès des autorités allemandes. Ankara a exhorté Berlin à «réfléchir attentivement» et à rejeter leur requête.

Le déplacement de Mme Merkel intervient également à quelques mois d'élections législatives critiques pour la chancelière, lors desquelles pèseront la question des migrants et les relations avec Ankara, l'Allemagne comptant trois millions de citoyens d'origine turque.

Mme Merkel devait s'entretenir dans la soirée avec des opposants turcs, avant de s'envoler pour un sommet européen à Malte.