Une pétition signée par plus de 1,5 million de personnes réclamait lundi l'annulation de la visite d'État de Donald Trump prévue en 2017 au Royaume-Uni, mais la première ministre Theresa May a refusé de céder.

«J'ai envoyé une invitation (...) cette invitation est maintenue», a-t-elle déclaré en fin de journée lors d'une conférence de presse à Dublin, tout en revendiquant une approche «différente» sur l'immigration après le tollé soulevé par le décret anti-immigration de M. Trump.

Pendant qu'elle s'exprimait dans la capitale irlandaise, des dizaines de milliers de manifestants, selon une source policière, étaient rassemblés devant sa résidence londonienne du 10 Downing Street aux cris de «Honte à vous Theresa May», brandissant des pancartes proclamant «non au racisme, non à Trump» ou «ne donnons pas la main aux fascistes».

«Je suis résolument contre la visite de Trump, je suis aussi très déçue de la réponse du gouvernement (britannique) à ses actions comparée à celle des autres dirigeants européens», a confié à l'AFP Annette Connors, une manifestante de 41 ans.

Plusieurs autres manifestations ont été organisées à travers le pays, notamment à Manchester ou Edimbourg.

L'euphorie est vite retombée au Royaume-Uni après la fierté d'avoir vu leur première ministre devenir le premier dirigeant étranger à être reçu vendredi à Washington.

Le refus dans un premier temps de la cheffe du gouvernement conservateur de critiquer le décret du président américain a déclenché un torrent de protestations.

«Vous n'êtes pas le bienvenu»

Un communiqué de Downing Street a bien rectifié le tir dans la nuit de samedi à dimanche. Mais pour beaucoup, le mal était déjà fait et Mme May continue à être accusée jusque dans son propre camp de sacrifier les droits de l'homme au profit de la «relation spéciale» avec Washington.

Le fait que Londres ait obtenu depuis une exemption pour ses ressortissants naturalisés et les binationaux n'a pas suffi à étouffer la polémique. «Vous n'êtes pas le bienvenu, M. le Président», titrait le Daily Mirror (gauche) en lettres capitales sur sa Une.

Le parti travailliste, les libéraux-démocrates et le parti national écossais SNP ont réclamé l'annulation de la visite d'État. Ils ont été confortés par le succès de la pétition contre Donald Trump, mise en circulation avant le décret mais qui n'avait recueilli jusqu'à samedi que 60 signatures. Le fait qu'elle a dépassé les 100 000 signatures signifie qu'elle sera débattue au Parlement.

Réalisme oblige, il ne s'agit pas d'interdire le territoire britannique au président des États-Unis, dont la mère est d'origine écossaise. Mais de transformer son premier voyage en simple visite sans l'appellation d'«État».

Très codifiée, une visite d'État s'entoure d'un faste particulier qui comprend un défilé en carrosse, un discours sous les ors du Parlement de Westminster et surtout un banquet officiel au palais de Buckingham avec la reine Elizabeth II. 

«Misogynie et vulgarité» 

Selon le texte de la pétition, cela risquerait d'«être embarrassant» pour Elizabeth II. «La misogynie notoire de Donald Trump et sa vulgarité le disqualifient pour être reçu par Sa Majesté la reine et le prince de Galles», son fils, ajoute la pétition.

Il s'agit d'ores et déjà de la deuxième pétition la plus populaire de tous les temps sur le site du Parlement après celle réclamant un deuxième référendum sur le Brexit, signée par plus de quatre millions de personnes.

Le sujet a rebondi avec un débat passionné au Parlement sur la politique migratoire de M. Trump, traité de «fasciste» par le député travailliste Dennis Skinner.

Emily Thornberry, chargée des Affaires étrangères au sein de l'opposition travailliste, a regretté, elle, qu'il ait fallu à Theresa May «38 heures pour avoir le courage de dire ce que tout le monde avait dit dès vendredi».

Le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson a réaffirmé qu'il considérait le décret anti-immigration comme une «erreur» mais souligné aussi «l'importance cruciale» des liens entre Londres et Washington.

«Nous n'hésiterons pas à faire part de nos désaccords avec les États-Unis. Mais nous devons aussi rappeler notre détermination à travailler avec l'administration Trump dans l'intérêt de nos deux pays», a-t-il dit.