Les violences domestiques sont en passe d'être dépénalisées en Russie après le vote mercredi par les députés russes d'un projet de loi réduisant l'arsenal judiciaire dont disposent les victimes, en dépit de vives protestations des défenseurs des droits de l'Homme.

Le projet de loi, voté mercredi en deuxième lecture par la Douma (chambre basse du Parlement), dépénalisera les violences commises au sein d'une même famille, y compris contre les enfants ou le conjoint, tant qu'elles n'ont pas causé de séquelles graves ni eu de précédent.

Il prévoit une amende de 30 000 roubles (660 $ CAN), alors que la législation actuelle inflige jusqu'à deux ans de prison aux coupables de violences domestiques.

Le texte doit encore être approuvé en troisième lecture par les députés puis voté par les sénateurs, généralement une formalité, avant d'être promulgué par Vladimir Poutine.

Surnommée «la loi sur les gifles», le texte est soutenu par de nombreux parlementaires conservateurs, qui estiment qu'elle donne une seconde chance aux personnes coupables de violence domestique.

«Si vous giflez votre enfant mal élevé, vous risquez jusqu'à deux ans de prison. Si votre voisin fait de même, il n'aura qu'une amende», a écrit sur son blog l'un des auteurs de la loi, la sénatrice Elena Mizoulina, pour justifier la nécessité de changer la législation.

La loi actuelle permet aussi aux enfants en conflit avec leurs parents de les traîner devant la justice, a-t-elle affirmé.

La Douma russe a rejeté les propositions des députés communistes, qui proposaient de ne pas dépénaliser les violences ayant visé des enfants ou des femmes enceintes.

Le Kremlin a de son côté dit soutenir le projet, son porte-parole Dmitri Peskov expliquant aux journalistes que «qualifier de violences domestiques certains gestes au sein de la famille, c'est dramatiser du point de vue juridique». «Ce n'est pas correct», a-t-il souligné.

«Trois pas en arrière»

Pour les militants des droits de l'Homme, ce projet de loi sape la lutte contre les violences domestiques.

«C'est une tentative écoeurante de banaliser les violences domestiques», a dénoncé la militante Anna Kirey, dans un communiqué d'Amnesty International.

«Les auteurs de cette loi sont en train de trahir les victimes de violences domestiques et ils sont de facto en train de donner à leurs agresseurs un laissez-passer», a-t-elle continué.

Pour la jeune Russe Alexandra Voskressenskaïa, avec cette loi, «le pouvoir veut faire trois pas en arrière, décriminaliser entièrement les violences et priver les victimes de leur seul mécanisme de défense».

Afin de montrer que «les protestations ont un visage de femme», l'étudiante de 21 ans a lancé un appel à manifester contre la loi le 4 février à Moscou, mais attend encore l'autorisation des autorités.

«Les députés ont décidé de voter cette loi car ils sont influencés par l'Eglise et le gouvernement qui prônent activement des valeurs familiales traditionnelles», accuse Alexandra, contactée par l'AFP.

«Les conséquences sont claires: la situation des femmes en Russie se dégrade, et si tant est qu'elles se soient senties protégées avant, elles ne le seront plus désormais», ajoute l'étudiante.

Plus de 650 000 femmes sont battues chaque année par leurs maris ou un proche, selon un bilan établi en 2010 par le Centre national contre la violence familiale. D'après cette ONG, qui précise que les statistiques restent inchangées depuis 1995, une femme meurt toutes les 63 minutes dans des violences domestiques en Russie.

En 2015, plus de 4000 personnes ont été tuées par un membre de leur famille, selon des chiffres officiels cités par le comité du Kremlin pour les droits de l'Homme.

D'après cette même source, 40% des crimes violents les plus graves ont lieu dans le cercle familial.