Des cellules avec vue, une Xbox, un fauteuil de relaxation... La Norvège a souligné mardi les conditions de détention «douillettes» dont bénéficie Anders Behring Breivik afin de tenter de casser sa condamnation pour violation des droits du tueur néonazi.

«Il est à bien des égards un prisonnier VIP», a plaidé le procureur général Fredrik Sejersted à l'avant-dernier jour de l'examen de l'appel interjeté par l'État norvégien.

L'an dernier, la Norvège avait été condamnée pour traitement «inhumain» d'Anders Breivik, auteur d'une tuerie qui a fait 77 morts.

Cet extrémiste de droite de 37 ans purge une peine de 21 ans de prison prononcée en août 2012 et susceptible d'être prolongée tant qu'il restera considéré comme dangereux.

Le 22 juillet 2011, déguisé en policier, il avait traqué pendant plus d'une heure les participants à un camp d'été de la Jeunesse travailliste, piégés sur l'île d'Utoya et abattu 69 d'entre eux, pour la plupart des adolescents. Un peu plus tôt, il avait tué huit autres personnes en faisant exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo.

Le tribunal de la capitale norvégienne saisi de cette affaire a créé la stupeur parmi les proches de victimes en avril en donnant partiellement raison à Anders Breivik, qui arguait que son régime carcéral, en particulier son isolement prolongé, était contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme interdisant tout traitement «inhumain» et «dégradant».

«Ses conditions de détention sont meilleures que celles d'autres prisonniers», a rétorqué mardi M. Sejersted, les qualifiant de «douillettes».

À la prison de Skien (sud) où le procès a été délocalisé pour des raisons de sécurité, Anders Breivik dispose de trois cellules de plus de 10 m2 chacune, certaines avec vue sur la nature, de téléviseurs avec des consoles de jeux Xbox et PlayStation et de plusieurs appareils de musculation.

Maintenu à l'écart des autres prisonniers, l'extrémiste dit pourtant souffrir de son isolement qui, a-t-il assuré dans sa déposition jeudi dernier, contribue à le radicaliser encore plus derrière les barreaux.

Il se plaint aussi des fouilles corporelles intégrales et du recours fréquent aux menottes, surtout aux premiers temps de sa détention, ou encore des contrôles étroits sur sa correspondance en violation selon lui de l'article 8 de la Convention des droits de l'Homme. La juge l'avait débouté sur ce dernier point l'an dernier.

«Jeune Adolf Hitler emprisonné»

L'État conteste qu'Anders Breivik soit isolé. Il fait valoir ses multiples contacts avec les surveillants, le personnel soignant, sans oublier un visiteur de prison.

«Il n'existe aucun autre prisonnier qui puisse discuter et jouer à des jeux avec le personnel pénitentiaire deux heures par jour», a souligné M. Sejersted, qui a aussi évoqué les nombreux courriers échangés - sous contrôle - avec l'extérieur, les activités mises à sa disposition pour compenser le fait qu'il soit détenu, seul, dans un quartier de haute sécurité et ses études par correspondance.

Anders Breivik reste également très occupé par son projet idéologique, a ajouté le procureur général.

«Il se perçoit comme le jeune Adolf Hitler emprisonné au début des années 30. Il compte sortir à un moment donné et devenir le Führer», a-t-il dit.

En face, Anders Breivik a passé l'essentiel de la journée à secouer la tête en signe de désapprobation.

Le nouveau procès fait l'objet d'une attention limitée en Norvège, nation paisible et prospère qui cherche à refermer ce chapitre douloureux de son histoire. Survivants et proches de victimes tentent d'ignorer celui qu'ils appellent souvent «le terroriste», ainsi que ses provocations.

Mardi, M. Sejersted a dépeint un détenu en bonne santé physique et psychologique, mais toujours dangereux et n'ayant exprimé aucun remords pour ses crimes.

Derrière sa façade polie, c'est «le même homme que celui qui a tiré dans le dos d'adolescents et qui, tandis qu'ils gisaient au sol et priaient pour rester en vie, allait vers eux et leur tirait une balle dans la tête», a-t-il dit.

Le procureur général a aussi expliqué les contrôles effectués sur ses communications par la nécessité de l'empêcher de tisser un réseau d'extrême droite à partir de la prison.

«On lui a donné les mêmes garanties que celles qu'il méprise. Mais on ne doit pas être des imbéciles heureux, l'État de droit a le droit de se défendre», a-t-il argué.

La procédure s'achèvera mercredi avec la plaidoirie de l'avocat d'Anders Breivik. Le jugement est attendu pour février.