Le Brexit signifie la sortie du marché unique, a affirmé mardi la première ministre britannique Theresa May, en défendant une rupture «claire et nette» avec l'Union européenne (UE) pour retrouver le contrôle de l'immigration.

Le discours de Theresa May, très attendu après des mois à manier le flou, a été salué par les eurosceptiques et a immédiatement fait remonter la livre Sterling, qui avait plongé par anticipation la veille.

«Le Royaume-Uni ne peut pas continuer à faire partie du marché unique», a déclaré Mme May en dévoilant ses priorités pour les négociations à venir, dont le retrait de la Cour de justice de l'Union européenne.

Alors qu'elle a prévu de déclencher la procédure de divorce d'ici la fin mars, prélude à deux ans de discussions, elle a également annoncé qu'elle soumettrait l'accord final au vote du Parlement britannique comme le réclamaient nombre de députés.

Bruxelles n'a pas commenté officiellement la feuille de route de la Première ministre britannique. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a salué sur son compte Twitter un discours «plus réaliste» qu'auparavant.

Mme May a appelé M. Tusk et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker après son discours pour leur dire que Londres souhaitait «l'accès le plus large possible (au marché unique) via un nouvel accord de commerce complet, audacieux et ambitieux», a indiqué une porte-parole.

Elle a aussi appelé la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande.

«Elle leur a dit à tous les deux que le Royaume-Uni voulait que l'Union européenne prospère, qu'il comprenait l'importance des «quatre libertés» du marché unique et ne prétendrait pas faire partie du marché unique», selon sa porte-parole.

M. Hollande a fait savoir à Paris qu'il avait «pris acte» de la «clarification» opérée par Mme May et qu'il souhaitait que les négociations puissent s'engager rapidement après le déclenchement de la procédure par Londres.

«Prêts dès que le Royaume-Uni l'est. Seule la notification (de l'article 50, NDLR) peut lancer les négociations», a de son côté réagi le négociateur de la Commission européenne, le Français Michel Barnier, sur le réseau social.

Pour Mme May, un maintien dans le marché unique de 500 millions de consommateurs est incompatible avec la priorité N°1 de Londres: la maîtrise de l'immigration. «Le message du peuple a été très clair: le Brexit doit permettre de contrôler le nombre d'Européens qui viennent au Royaume-Uni», a-t-elle souligné.

Lors du référendum du 23 juin 2016, 52% des Britanniques avaient voté pour une sortie de l'UE et beaucoup ont cité l'immigration comme l'une de leurs principaux motifs de vote.

«Enfin un peu de clarté»

Cette volonté d'une sortie du marché unique rend «encore plus probable» le scénario d'un nouveau référendum sur l'indépendance de l'Ecosse qui a voté pour rester dans l'UE, a réagi de son côté la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon, estimant que cela entraînerait «une catastrophe économique».

Après des mois d'incertitudes sur ses intentions, Theresa May a dit son souhait d'«un nouveau partenariat équitable» avec l'UE, «pas un statut de membre partiel ou associé (...) qui nous laisserait à moitié dedans ou à moitié dehors». Elle a plaidé également pour un «nouvel accord» sur l'union douanière.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a souhaité «des relations aussi bonnes, étroites (...) que possible» une fois le Brexit formalisé.

«Pour la première fois, le Royaume-Uni accepte l'inflexibilité de l'UE sur les quatre libertés», a déclaré à l'AFP Stephen Booth, directeur du think tank Open Europe. L'UE a en effet signifié à Londres que la liberté de circulation des biens, des capitaux et services était indissolublement liée à celle des personnes.

Mme May a toutefois dit qu'elle chercherait «à obtenir le plus grand accès possible» au marché unique, alors que 44% des exportations britanniques sont allées vers l'UE en 2015. Et afin d'éviter «un changement trop brutal», elle a prôné «une mise en oeuvre par étapes» d'un accord avec l'UE à l'issue des négociations de sortie.

Les milieux d'affaires britanniques ont salué ce début de clarification, soulignant toutefois que le plus dur restait à faire, à savoir sécuriser le meilleur accès possible au marché européen.

«Grande nation marchande»

«Le succès de l'UE est dans l'intérêt du Royaume-Uni», a par ailleurs déclaré Theresa May. La Grande-Bretagne va donc rester «le meilleur ami de nos partenaires européens», a-t-elle promis, mettant en garde les Européens contre toute volonté de punir son pays.

Mais la Grande-Bretagne va également devenir «un pays qui regarde aussi au-delà des frontières de l'Europe», a-t-elle ajouté, vantant le projet d'une «grande nation marchande à l'échelle mondiale».

Le discours de Theresa May mardi lance le pays sur la route d'un Brexit «dur» et il risque de se heurter à l'intransigeance des autres leaders européens, la chancelière allemande Angela Merkel en tête, qui refusent une «Europe à la carte».

«Les leaders européens seront contents d'avoir un peu plus de détails sur les négociations à venir», abonde Anand Menon, professeur de sciences politiques au King's College de Londres. «Mais, a-t-il ajouté, ils seront moins ravis des menaces» brandies par Mme May lorsqu'elle a notamment suggéré que le Royaume-Uni allait être libre de proposer un système de taxation «compétitif» pour attirer les entreprises.